Un pour tous et tous pour un

Ode à l’Ami, mon épée face au handicap.

 

À une époque de mon enfance, je m’endormais tous les soirs en écoutant ma K7 de Dorothée. Alors encore parfois, sans raisons aucune, je me retrouve avec l’une de ses musiques dans la tête. Ce matin c’était le cas, ça m’a donné le thème de mon article du jour !

 

 

 

 

Mais vous me connaissez, en réalité ce que j’ai à en dire est le résultat de plusieurs petites réflexions de ci de là que j’ai eues ou que j’ai entendues. L’une d’entre elles remonte à quelques semaines, alors que j’étais en train de lire. L’héroïne de l’histoire que je suivais se faisait alors aider par ses amis de la plus jolie des manières. Un instant je me suis demandé avec mélancolie si les miens seraient capables de ça. Et puis je me suis giflée mentalement (oui je suis un peu radicale avec moi-même).

 

Parce que ce test, ils l’ont déjà eu. Largement. Je n’ai plus à avoir ne serait-ce que l’ombre d’un doute quant à leur dévouement me semble-t-il. Quand tant d’handi m’avouent s’être fait abandonnés en cours de route par leurs proches (lorsque le handicap n’est pas de naissance et qu’il y a la période décisive « accident » ou « maladie ») je me rends compte à quel point j’ai eu de la chance de ne jamais m’être retrouvée seule. Ils ont tenu la distance autant que moi, sont restés jour après jour, chacun à leur façon et régulièrement encore ils me montrent combien ils tiennent à moi en considérant d’abord l’amie avant de prendre en compte l’handi.

 

Quant à ceux que j’ai rencontré post accident, c’est aussi comme cela qu’ils me font me sentir. Est-ce que c’est plus facile parce que finalement, ils ne m’ont connue que comme ça ? Ou au contraire est-ce que ça les oblige à faire appel à leur imagination pour me voir « normale » en quelques sortes ? Je ne saurais le dire. Et pour être honnête est-ce important ? Ce qui compte c’est plutôt le résultat : celui dans lequel ils font passer mon fauteuil pour un détail.

 

Bien sûr, ils ne sont pas invincibles, mais je garde plus facilement en mémoire ces instants magiques plutôt que ceux où l’impression de gêner à cause de mon destrier prend vicieusement le dessus. Je me rends compte que je reste bien vague, bientôt je vais vous perdre. Exemples concrets.

 

  • J’aime cet ami qui dit « Je ne l’aide pas, je sais que si vraiment elle a besoin, elle demandera »
  • J’aime cet ami qui me met debout quelques minutes parce que j’ai les jambes qui fourmillent à la fin d’une soirée
  • J’aime ces amis qui viennent me chercher chez moi pour aller boire un coup parce que j’ai un fauteuil de prêt tout pourri avec lequel je n’arrive pas à avancer toute seule correctement
  • J’aime ces amis qui me proposent une sortie dans un parc d’attraction ou une base de loisir sans se demander si c’est accessible parce que « si ça te fait envie, bah on se débrouillera mais on le fera ! »
  • J’aime cet ami qui me maintient debout dans l’ascenseur pendant que l’autre monte Albert par les escaliers parce que l’ascenseur est trop petit pour ce pourtant-pas-si-gros-fauteuil
  • J’aime cette amie qui me dit que « j’ai de la chance » parce que moi, c’est un jeune et beau marin musclé qui m’a aidé à monter dans le ferry (faut bien qu’il y ait des avantages aux endroits mal adaptés !)
  • J’aime ces amis qui me soutiennent debout (décidément, je suis bien plus souvent debout que je ne le pensais en fin de compte !) pendant la photo juste parce que j’avais envie d’en avoir une « comme avant ».
  • J’aime cette amie qui quitte le resto à deux rues de chez moi où elle n’a pas encore fini de manger pour venir me donner un coup de main parce que j’ai un souci et qui repart prendre son dessert comme si de rien n’était
  • J’aime ces amis qui considèrent Albert comme étant Albert (bien plus que juste un fauteuil !)
  • J’aime ces amies qui m’appellent toute fière parce qu’elles ont déménagé dans un appart’ où je pourrai venir, même y dormir d’ailleurs
  • J’aime cet ami qui avait oublié de dire à ses potes avec qui on sort que je suis handi lorsqu’il leur a parlé de moi
  • J’aime ces amis qui m’installent dans la vieille photocabine (pas du tout adaptée) juste parce que je voulais l’essayer avec eux (et qui me tiennent pour pas que je glisse parce qu’on a du mal à tous tenir dedans)
  • J’aime ces amies qui sont allées au bout du monde avec moi (ou qui m’y ont accueillie)… Au sens propre comme au figuré !
  • J’aime ces amis qui…

 

 

 

 

Souvent l’on me dit que je suis courageuse. Si réellement c’est le cas, c’est uniquement parce que je ne suis pas seule. Uniquement parce que j’ai cette famille et cet ami, celui-ci et celui-là qui renvoient de moi l’image d’une personne à part entière, sans handicap, juste avec des particularités comme tout à chacun.

 

Ils me connaissent, ils savent qui et comment je suis : aucun ne m’a jamais empêché de faire quoi que ce soit en mode « tu devrais faire attention » en rapport avec ma tétraplégie. Ils ont cette certitude que si je décide de faire quelque chose, c’est que je m’en sens capable. Est-ce qu’ils ont confiance en moi parce que je suis capable (et raisonnable) ou est-ce en fait le contraire, suis-je capable de faire parce qu’ils croient en moi ? Qui de l’œuf ou la poule est apparu en premier ? Toujours est-il qu’ils ne font pas peser le poids de mon handicap sur moi et ça les rend encore plus précieux à mes yeux.

 

Je crois que c’est ça aussi, être un ami, c’est de ne pas juger, ou du moins accepter ce qu’on l’on juge. Je sais combien je les inquiète lorsqu’ils m’entendent perdre patience, à quel point j’en frustre certains qui voudraient m’aider mais ne savent pas comment, parce que ça n’est pas toujours possible. Mais pas un ne me l’a reproché (je le fais de toute façon très bien toute seule)

 

Certains diront que les amis, ça va, ça vient dans une vie, et je ne le nierai pas, mais je suis heureuse de constater que prendre soin d’une relation vaut le coup, que ces « passages » peuvent être de plusieurs années, plusieurs dizaines d’années même car que ce qui est important c’est le présent et que le présent peut bien durer, tant qu’on fera ce qu’il faut pour.

 

Bref, on ne le dit jamais assez…

 

 

 

 

« Tant qu’on a des amis
Ça peut changer la vie
Ça peut repeindre en bleu
Tous vos jours malheureux
Tant qu’on a des copains
Pour vous tenir la main
On n’a jamais peur de rien »

 

 

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3 commentaires sur “Ode à l’Ami, mon épée face au handicap.

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