Petites victoires pour grands espoirs #2

 

Allons-y pour la deuxième partie de cet article. Pour ceux qui auraient loupé la première, c’était la semaine dernière, ici. J’y abordais le retour incontrôlé des muscles et ce que ça provoquait comme sentiments, comme émotions. Aujourd’hui, j’attaque le côté « plus maîtrisé » : lorsque vous retrouvez votre capacité à faire des choses essentielles en vous adaptant à votre « nouveau corps ».

 

C’est sûr qu’avec une paire d’ailes qui te pousse dans le dos, il y a de fortes chance d’être déstabilisé…

 

 

Car c’est bien un nouveau corps que vous avez là. Que vous soyez atteint au niveau neurologique (para/tétraplégie par exemple), que vous ayez un membre en moins ou que vous soyez affaibli par une maladie, il y a un fait qui nous rassemble tous. Notre corps n’est pas comme celui des personnes dites « normales ». Pas que nous soyons « anormaux », pas du tout, disons plutôt « différents ». Nous ne pouvons plus nous servir de nos muscles de la façon dont on devrait s’en servir. Or quand vous n’êtes pas né ainsi, et bien vous vous retrouvez à devoir prendre conscience de chaque élément, à devoir les apprivoiser, compenser les uns avec les autres, en bref : à faire autrement.

 

Selon les cas, il faut parfois ré-apprendre à respirer, ré-apprendre à manger, à s’habiller, à se laver, à aller aux toilettes, à attraper des objets avec les mains, à se servir de notre prothèse, notre fauteuil, notre machine à oxygène… En résumé, faut faire avec et bon retour en enfance !

 

Parce que oui, exactement comme les enfants, au début il y a beaucoup de maladresses, il y a des tests, des ratés, des chutes… Agacement, découragement, tristesse, ce n’est pas toujours évident de se dire que ce qui avant ne nous posait même pas question, nous paraît aujourd’hui une montagne à franchir. Et pas le petit tas de cailloux du coin non, plutôt la Cordillières des Andes vous voyez ? Certains abandonnent quand d’autres n’hésitent pas à prendre des risques, à tort ou à raison selon les cas. C’est un peu comme ces corbeaux ou comme ces singes auxquels on présente des problèmes pour tester leur intelligence. La patience et l’ingéniosité sont de rigueur et il y en a qui s’acclimateront mieux, s’adapteront mieux à ce nouveau corps ce qui les rendra souvent plus autonomes.

 

Cependant, ce n’est pas qu’une question de volonté, ce serait trop simple. Ce n’est pas parce que c’est ancré dans la tête que ça va se dérouler comme prévu. Si nous arrivons à maîtriser ce que nous avons dans un état donné, nous ne maîtrisons pas ce que nous ne pouvons influencer. Nous aurons beau le vouloir aussi fort que possible, l’esprit à ses limites sur la guérison malgré tout.

 

 

Ça je pourrais dire que ça ne fonctionne pas, c’est bien du cinéma autrement je remarcherais n’est-ce pas ? Mais en même temps, c’est ce que j’ai fait pour retrouver ce que j’ai retrouvé alors…. Esprit fort mais esprit limité dirons-nous.

 

Cela dit, imaginez. En ce qui me concerne, j’avais 21 ans lorsque j’ai pu annoncer officiellement que « ça y est, je mange enfin toute seule, sans l’aide de personne. Et pas qu’avec la cuillère mais attention attention (roulement de tambour, suspens)… avec la fourchette aussi ! (j’attends toujours le bon point de la maîtresse) » 21 ans et ce jour là, manger toute seule est un exploit. C’est jouissif car je savais d’où je venais, les efforts que j’avais fourni et j’avais conscience que pour une tétraplégique, se servir de sa fourchette c’est comme un littéraire capable de résoudre une équation à deux inconnues : pas évident ! Seulement voilà, c’est malgré tout une annonce qui tombe quand on a deux, trois ans normalement. Pas 18 de plus ! Alors oui, il y a de la fierté, du soulagement (une petite avancée en plus vers l’indépendance) mais aussi le rire nerveux d’une personne qui se sent un peu ridicule de clamer « Victoire » pour un repas pris en autonomie, quand les copains suent sang et eau pour passer leur diplôme de fin d’études supérieures…

 

Mais tant qu’il s’agit des grandes améliorations comme celle-là, comme prendre sa douche soi-même, comme réussir à se servir de son attèle… Les gens extérieurs au monde du handicap, nos amis, notre famille, peuvent envisager ce que ça représente. Déjà parce que ça vous éloigne de l’image qu’ils ont de vous avant que vous n’y arriviez donc celle de votre dépendance. Ensuite parce que si ça touche des gestes nécessaires pour vivre, ils peuvent facilement se figurer la valeur de ces avancées.

 

Finalement, et même si encore une fois c’est une avalanche d’émotions que ceux qui ne l’ont jamais connu ne peuvent pas vraiment mesurer, vous ne vous sentez pas seul pour autant dans votre joie. Car ce sont des évolutions sur des faits tellement importants, que ça a aussi un impact sur eux. Ce sont des choses qui les rassurent autant qu’elles vous libèrent. Ce ne sera pas le cas sur des progrès plus techniques, qui relèvent pour n’importe qui de lambda du détail.

 

Mais ce point là, ce sera pour la semaine prochaine…

 

 

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1 commentaire sur “Petites victoires pour grands espoirs #2

  1. Bonjour Daphnée,

    Je trouve votre article vraiment très touchant et fort ! Nous, on propose de l'assurance prêt immobilier pour les personnes atteintes d'handicap (http://reassurez-moi.fr/guide/assurance-pret-immobilier-handicape) car il est parfois difficile de trouver un établissement acceptant d'assurer les personnes atteintes de handicap. Ce qui ressort de leurs appels téléphoniques est aussi enthousiaste que votre blog alors : merci 🙂

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