Rencontre avec JP Laffont, ex handibasketteur professionnel

 

La semaine dernière, j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Pascal Laffont, ancien handi-basketteur professionnel. Quelques médailles d’or aux championnats d’Europe, une participation aux mondiaux d’Australie puis une aux jeux paralympiques de Sidney, c’est un homme au parcours impressionnant !

 

JP Laffont

 

Écoutez l’interview (puis rendez-vous en fin d’article) :

 

 

Ou lisez la :

 

Bonjour Jean-Pascal, présente-toi en quelques mots : dis-nous qui tu es…

Je suis Jean-Pascal Laffont, je suis de région toulousaine. Je suis paraplégique depuis 25 ans, je suis marié avec une petite fille et je travaille dans un laboratoire pharmaceutique qui vend des sondes urinaires. J’ai un parcours de sportif de haut niveau : j’ai fait du basket et j’ai eu la chance de faire les Jeux paralympiques de Sydney en 2001.

 

Et qu’est-ce qui fait que tu t’es retrouvé dans un fauteuil finalement ?

En fait je faisais de la compétition de moto cross et malheureusement il y a eu un accident mécanique qui est mal passé. Je me suis retrouvé paraplégique avec une rupture complète de la moelle épinière.

 

Tu avais 17 ans, quelles ont été tes réactions au début ?

J’ai très vite compris ce que j’avais, ça m’a permis de vite rebondir par rapport à ça. Surtout qu’un mois après mon opération, le chirurgien m’a annoncé directement que je serai en fauteuil à vie et qu’il n’y aurait aucune possibilité de remarcher médicalement.

 

Ta rééducation, combien de temps a-t-elle duré ?

J’ai fait dix mois ce qui était le minimum à l’époque. Au début je ne devais faire que 9 mois, mais j’ai été prolongé d’un mois suite à une escarre.

 

Et quel est ton bilan sur cette rééducation ?

Alors, bilan honnêtement je ne m’en souviens plus trop. Je sais que j’ai fait beaucoup de sport parce que c’est ma vocation et que ça servait à ma rééducation. J’avais refusé à l’époque d’aller à la piscine parce que je ne voulais pas me déshabiller puis me rhabiller pour aller dans l’eau. Après, ça reste vague sur tout le reste. En dehors du sport et de la rééducation je n’avais pas grande activité à côté.

 

Niveau relationnel ? Par exemple avec le personnel soignant ?

Tout s’est toujours très bien passé. Comme je n’étais pas dans le déni par rapport à ce qui s’était passé et à mon handicap, j’ai accepté les choses, et ça c’est bien passé.

 

Du coup c’est peut-être un peu loin mais quel est ton meilleur souvenir en rééducation, celui qui t’a le plus marqué ?

Je pense que ça a été le jour où le kiné m’a dit que je pouvais sortir du centre. Ça doit être pour tout le monde pareil…

 

Et alors le basket d’où c’est venu ?

Le centre de rééducation avait une section sportive et j’étais amené à faire du sport 2 fois par semaine donc j’ai vu, essayé… À l’époque il n’y avait pas 50 sports collectifs comme aujourd’hui où il y a le handball, le rugby fauteuil…

 

Tu es arrivé quand même à un haut-niveau, tu peux nous en parler un peu plus ?

En fait c’est pas compliqué, j’ai eu mon accident en 89. En 90 j’ai commencé le basket donc un an après. J’ai eu une pause de quelques années suite à des disparitions de club et j’ai réussi à finalement en trouver un à Toulouse qui m’a permis de pouvoir enfin m’exprimer et de continuer à travailler. Après j’ai réussi à intégrer l’équipe de France, ça a été un sacrifice pendant ces années-là parce que derrière il faut continuer à persévérer, faire du sport tous les jours pour arriver au niveau. Ça a duré dix ans !

 

Et donc les Jeux paralympiques de Sydney…

Et donc les Jeux paralympiques de Sydney en conclusion. J’espérais en faire d’autres mais j’ai dû faire des choix. Je pensais en faire trois, je n’en ai fait qu’un seul.

 

Ça doit être une sacrée expérience !

C’est ce qui se fait de mieux dans le sport. Indirectement ça a été une réussite niveau sport médiatique. Pour moi c’est encore plus jolie parce qu’il y a plus de trente milles personnes pour des Jeux paralympiques alors que d’habitude il y a cent personnes dans la salle. Enfin, il y avait. Parce qu’aujourd’hui avec la médiation qu’il y a derrière, on arrive à avoir des salles de trois à quatre cents personnes.

 

Ça doit faire du bien de se sentir fier de soi aussi.

En fait c’est déjà une fierté de représenter un pays. C’est la fierté de se dire que tout ce qu’on a fait ça paye, et ça incite à continuer, à se battre quand on a des problèmes extra-sportif comme le handicap.

 

Pourquoi avoir arrêté du coup ?

Et bien une petite fille est arrivée donc des choix derrière s’imposaient, mon travail me premier beaucoup de temps. Il y a eu aussi l’entraîneur qui m’a fait comprendre que pour moi c’était la fin. C’était dur au départ d’accepter de quitter l’équipe de France, aujourd’hui c’est un bonheur puisque j’ai développé d’autres choses notamment des liens familiaux que je n’avais pas avant. En étant sportif de haut niveau,on ne pense qu’à ça, on ne vit que pour ça, on se prive de beaucoup de choses à côté, il y a tellement à faire aujourd’hui que je regrette presque d’avoir été autant en l’équipe de France.

 

Mais avant de parler famille, les femmes en général ? De 17 ans à maintenant, comment ça s’est passé ?

J’ai eu une phase où pendant sept huit ans, je n’étais que sport. Ensuite il y a eu la phase « on va ouvrir les yeux » un peu, ça m’a permis de découvrir certaines choses par rapport à ça. Je pensais que le fauteuil était un frein pour rencontrer une personne et en fait fauteuil ou pas fauteuil quand on rencontre une bonne personne ça se fait naturellement. Donc derrière j’ai rencontré des personnes, j’ai trouvé je pense la bonne puisque ça fait plus de 15 ans que je suis avec elle.

 

Ah oui, je pense que c’est une bonne indication. Et ça n’a pas été trop compliqué au début de tout devoir lui expliquer, dont certaines choses parfois un peu délicates ?

C’est une personne qui avait un entraîneur faisant du basket avec moi en fauteuil. Donc c’était une personne qui venait nous voir jouer, elle avait compris certaines choses du handicap comme celles de ne pas sentir ou les soucis d’équilibre. Après les choses « privées », je lui expliquais. Elle avait compris les problématiques qu’il devait y avoir, donc ça ne l’a pas trop gêné par rapport à tout ça.

 

Et alors papa paraplégique ?

Et bien papa paraplégique pas plus compliqué qu’un papa normal sauf qu’il faut s’adapter en fonction de l’enfant. Comme quand il ne tenait pas encore sa tête, le prendre dans les bras. Sinon, je faisais poussette, j’avais le bébé dans les bras et ma femme poussait pour avancer. Moi je n’ai pas trouvé ça compliqué.

 

Et pour des choses, comme les premiers pas par exemple, est-ce que ce n’est pas un peu frustrant de ne pas pouvoir l’aider comme on le ferait si on était valide ?

Moi je venais de faire construire, alors j’avais quand même beaucoup de choses adaptées par rapport à ça. À part doucher la petite au départ parce qu’on avait pas une baignoire… J’arrivais quand même à la changer, lui donner le biberon, je me levait la nuit parce qu’en fauteuil on peut se lever pareil ! J’ai essayé au maximum d’aider. Après le travail est revenu, je partais en déplacement, c’était un peu compliqué mais le temps que j’avais avec elle j’essayais au maximum de soulager le rôle maternel.

 

Maintenant tu voyages beaucoup par rapport à ton travail. Le premier grand voyage que tu as fait ? C’est vrai qu’en fauteuil on a tendance à se dire que ça va être compliqué, donc comment ça s’est passé ? Qu’est-ce qui a fait que tu t’es lancé ?

Le premier voyage : Australie, donc 24 heures d’avion. C’était la découverte de tout.

[Oui, tu n’as pas fait les choses à moitié]. Je n’ai pas fait les choses à moitié mais c’est surtout que je n’ai pas eu le choix, j’ai été sélectionné pour les championnats du monde deux ans après être entré en équipe de France, donc c’est quand même quelque chose qui fait rêver. Dire qu’on va être 24 heures dans un avion on se demande comment ça va se passer. Je savais ce que c’était un avion, mais à part ça je ne savais pas comment ça se déroulait et après, en discutant avec les autres, on savait que certains l’avais déjà fait. J’avais réussi à savoir plein de choses. On a toujours peur d’un accident qui peut poser problème donc on avait tout anticipé ce qui fait que ça s’est très bien passé.

 

Et maintenant tu ne t’en passe pas !

Je suis pas le roi de l’avion parce que j’ai un peu peur mais c’est surtout une commodité au niveau du travail. C’est quand même plus facile de prendre l’avion plutôt que de faire 7h de voiture !

 

Pour finir, est-ce que tu as un message à faire passer en règle générale ? Si tu avais un conseil à donner, ce serait lequel ?

Ne se fixer aucune limite. Il n’y a aucune barrière pour faire les choses !

 

Un grand grand merci à Jean-Pascal pour avoir accepté de me consacrer un peu de temps. Ce fut un moment vraiment très enrichissant durant lequel j’ai découvert un homme à la fois simple, drôle et positif. Encore un bel exemple que le fait d’être en fauteuil ne fait pas de nous des gens malheureux !

 

Comme vous avez pu le remarquer, c’est un article un peu spécial, unique sur le blog : je vais donc avoir besoin de vos avis. Qu’en avez-vous pensé ? Cela vous plairait-il de découvrir ainsi de temps en temps des gens touchés de quelque manière que ce soit, de près ou de loin, par le handicap ? Si oui, de quel genre ? N’hésitez pas à me faire part de tout ce qui vous passe par la tête !

 

super

 

 

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3 commentaires sur “Rencontre avec JP Laffont, ex handibasketteur professionnel

  1. J'admire son parcours, mais plus encore j'admire les personnes en situation de handicap, en fauteuil ou non, pour leur courage, leur ténacité, et malgré tout leur joie de vivre. Bravo

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