Aujourd’hui j’ai envie de vous parler d’une chose que je viens tout juste de découvrir : le gaz hilarant. « Protoxyde d’azote » de son vrai nom, j’ai eu à en tester les effets pour ne pas ressentir la douleur d’une intervention faite par le médecin. S’il n’a pour moi pas eu le rôle qu’il aurait dû avoir, il m’a néanmoins fait ressortir des impressions que je pensais pouvoir un jour oublier.
De la musique pour mieux comprendre des mots
Tout d’abord il faut savoir que le gaz, comme la drogue, l’alcool ou les médicaments, n’a pas les mêmes conséquences d’une personne à l’autre. Si la plupart des gens en rient, moi ce fût plutôt l’inverse. Les premières secondes m’ont faites pleurer, mais ce qui mérite attention est venu après. Une fois l’acceptation de l’état dans lequel ça m’a rendu, est venu l’analyse.
Première chose : j’ai eu la sensation d’être téléportée plusieurs mois auparavant, alors que j’étais encore à l’hôpital. A cette époque, car quelque part c’est vraiment une autre époque, le choc et les médicaments (morphine à grosse dose) ne me permettaient pas de rester éveillée plus de quelques minutes. Parfois j’entendais, j’avais conscience des choses, mais mes paupières étaient trop lourdes pour que je les ouvre. Et peut-être n’avais-je d’ailleurs pas envie de les ouvrir. Le sommeil avait cette dimension sécurisante : si je n’ouvre pas les yeux, je ne risquerai pas de voir ce que je ne veux pas voir. D’ailleurs même si je les ouvrais, je ne percevais pas de façon claire comme si je n’arrivais pas à relier le son à l’image. Du coup, je suis convaincue de « mieux voir les yeux fermés ». C’est difficilement explicable comme sensation, mais ne pas voir avec la vue permet d’avoir plus de recul, un peu comme si je voyais la scène du dessus (ou du moins d’un autre angle que le mien).
Deuxième chose : les pensées qui se mêlent au son. Étrangement, j’avais beau avoir l’impression de sortir de mon corps, de partir loin et d’avoir tout un tas d’idées, de flashs, d’images différents, je pouvais clairement percevoir les bruits et les voix autour de moi. J’entendais ce qu’il se disait, j’entendais le bruit de la machine à gaz et je répondais même de façon tout à fait normale et claire si d’aventure quelqu’un me posait une question. Dans la même lignée, je ne sentais plus mon corps mais je sentais la douleur provoquée par les piqûres. Malgré ces attaches au lieu et à l’instant présent, j’étais submergée de pensées mais toutes dataient quelque peu. Je m’explique : j’ai tellement transposé cette expérience à ce que j’ai vécu dans la période la plus proche de l’accident, que me sont revenues des préoccupations de ce moment là et non des préoccupations actuelles. Quand je vous disais que j’avais été téléportée.
Troisième et dernière chose : le lâcher prise. Au départ, les effets ont mis du temps à arriver mais petit à petit, chaque partie de mon corps s’est engourdie (j’ai bien cru que mes dents allaient se déchausser et que ma langue avait triplé de volume) et j’entendais le vacarme assourdissant que faisait mon sang tapant contre mes tempes. Comme si un mur se rapprochait de plus en plus mais que je ne savais pas quand il me heurterait car je le trouvais chaque fois déjà bien assez près. Une fois cela passé, il y eu cette plénitude. Lorsqu’autour de moi personnes ne parlait plus, ne me restait que ce silence. Plus de corps à moitié défectueux, plus de questions, plus d’angoisses, juste ce vide tranquille. Et il n’y a plus de nécessité de revenir : un peu comme si vous passiez les vacances de vos rêves et que vous devez retourner au quotidien « métro-boulot-dodo ». Dormir devient votre seul souhait. Votre conscience arrête de lutter et abandonne au champs de bataille : après coup, ça vous laisse dans un état assez bizarre je dois dire.
Inutile de préciser que je me suis retrouvée un peu paumée une fois l’expérience achevée. Pas que je ne savais plus où j’étais, ça ça allait, mais plutôt d’avoir retrouvé ces sensations, cet état d’esprit que j’avais eu sous morphine à la sortie de mon coma. Maintenant une question me taraude pour laquelle je n’arrive pas à trancher.
« Serais-je prête à recommencer ? »
Le traitement qui m’a valu ce voyage dans une autre dimension, s’il est efficace, demande à être réitéré. D’un côté, il est extrêmement éprouvant pour moi de me faire ramener à de tels souvenirs mais d’un autre côté, cela me permet d’explorer, deux ans plus tard, quelque chose que je n’étais alors pas apte à analyser.
Salut ma belle! Même si c'est perturbant, je pense que c'est quelque chose de nécessaire et même d'intéressant. Pouvoir faire une analyse distincte de ses émotions, de ses sentiments, est quelque chose que je fais quand mon moral est bas, est j'avoue que (comme la musique de zazie) ça fait du mal mais ça fait du bien aussi 🙂
Ça doit vraiment être étrange comme expérience.
Et se demander "si le jeu en vaut la chandelle" si j'ai bien compris ne doit pas être facile du tout.
Coucou Daphnée…tu nous plonges dans tes sensations, dans ton intimité profonde avec tes mots et ta musique…ce "retour de sensations" doit être déstabilisant en effet…laisses toi du temps pour "digérer" cette expérience…le temps est souvent notre allié quelles que soient nos écueils..prends soin de toi 😉
c'est peut-être ça le secret du voyage dans le temps!…..
Non, plutôt c'est le cerveau qui se libère pour revenir sur des images et des sensations (des 5 sens) emmagasinées.
Ce n'est pas dangereux mais certainement déstabilisant.
bon courage. Gros bisous . A bientôt.
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