En ce moment, je ne sais pas trop pourquoi, mon humeur fait yo-yo. Tantôt le bonheur m’envahit me laissant être heureuse de ce que j’ai, tantôt ce qui me manque creuse un trou gigantesque et douloureux à la place du coeur. Il y a des gens valides qui pensent que si un handi est souriant c’est que finalement sa vie c’est pas si difficile que ça. Il y a des gens en situation de handicap qui pensent que du coup, être joyeux nous dessert. J’ai même lu que « les personnes trop positives en fauteuil sont une nuisance aux causes défendues pour le handicap » Une nuisance. C’est fort comme mot non ? Mais allons-y d’accord. Parlons fauteuil et droit d’être heureuse (x).
Par où commencer ?
Il paraît que dans beaucoup de cas, lorsque l’on se retrouve en situation de handicap, on passe à un moment donné par une phase dite « euphorique » pendant laquelle l’on revendique ce que l’on est, on s’en sert comme étant ce qui nous démarque, nous met en avant. Je sais qu’il y a des handi qui décrédibilisent ce que les bloggeurs sur le handicap écrivent (ou disent pour les youtubeurs) sous prétexte que comme nous parlons dans une démarche positive/optimiste, c’est que nous devons encore être dans cette période. Je crois que mes kinés, ma psy ou mes médecins de rééducation ne me contrediront pas si j’écris que je suis rarement rentrée dans les généralités, celle-ci comprise. Ainsi donc pas un jour ni même une seule seconde je n’ai été fière d’être en fauteuil. Pas une. Comme je n’ai jamais préféré cet état à celui d’avant. Jamais. Donc non seulement je n’ai pas connu cette phase euphorique mais je ne la conçois ni ne la comprend même.
Lorsque ce sont des valides qui font l’amalgame entre notre sourire et notre sentiment par rapport à notre fauteuil, ça passe. Nous avons l’habitude. Mais lorsque ce sont des gens qui vivent ce que l’on vit, c’est plus blessant qu’ils osent ne serait-ce qu’envisager le fait que l’on trouve notre situation d’handi « drôle » et que c’est donc l’image qu’on souhaite en donner. Non le handicap ce n’est pas drôle, ce n’est pas facile, ce n’est pas enviable. Mais si Margot de Vivre avec pleurait sur toutes ses vidéos, si Circée de Douce Barbare, Élodie de Ma vie, mon handicap, mes emmerdes, Audrey de Roulettes & sac à dos ou moi racontions nos malheurs de façon dépressive et noire, seriez-vous encore là après tant de temps ? Je ne crois pas. Et si vous n’étiez pas encore là, nous ne pourrions pas continuer à vous sensibiliser sur le sujet. CQFD.
Avant personne ne nous faisait de réflexion quand nous souriions. Pourquoi serait ce différent aujourd’hui ? Le bonheur, c’est pas le gros truc inatteignable et éternel dont on nous parle dans les films ou les livres. Non, le bonheur c’est tout un tas de petites choses, ce sont des moments éphémères, de doux instants et d’insoupçonnées surprises qui peuvent être aussi inhabituelles que banales. Alors parfois vous le ressentez ce bonheur : parce qu’il fait beau, parce que vous n’êtes pas seul, parce que vous profitez. Et parfois c’est le contraire qui se passe, qui s’immisce en vous et qui vous empoisonne : le désespoir, cette espèce de malheur qui vous pourri de l’intérieur et qui vous fait vous sentir vide, si vide. Mais en réalité il n’appartient qu’à vous de vous laisser envahir par l’un ou par l’autre. Et de le montrer. Bien sûr que le fauteuil nous préférerions le voir disparaître, bien sûr que nous voudrions être en pleine possession de nos moyens.
24 mois. Pendant vingt-quatre mois je me suis levée chaque matin dans cet unique but , celui de remarcher : kiné, kiné, kiné, encore et encore. Je n’ai pas atteint mon but. Vais-je faire la gueule H24 pour ça ? Non. Ce serait trop facile. Ce serait laisser cette saleté de hasard et ce qu’il m’a infligé gagner. C’est hors de question. J’ai bien trop de fierté. Et puis. Il y a le fauteuil et ces jambes qui ne fonctionnent pas d’accord mais à côté de ça il y a tellement d’autres choses qui elles, sont belles.
Hier je me baladais dans un endroit paisible et plein de charme : un court d’eau, une allée entourée d’arbres, le soleil perçant à travers. À un moment, sans explication, sans raison, je me suis sentie à ma place, parfaitement à ma place. Et bien. Fauteuil ou pas fauteuil. Et durant quelques minutes je me suis sentie heureuse. Simplement. Dois-je rougir de cela ? Est-ce que parce que je suis handi ça voudrait dire que je n’ai pas le droit à ce sentiment ? Non bien sûr. Parce que je ne suis pas heureuse AVEC mon fauteuil, je suis heureuse MALGRÉ mon fauteuil. Et c’est très bien. Peu importe ce qu’en pensent les gens. Je n’ai pas envie de passer mon temps à ruminer ou à broyer du noir, j’ai envie de rire et de me souvenir que ma vie n’est pas parfaite d’accord, qu’elle est difficile assurément, mais qu’au moins elle existe et qu’elle est remplie d’éléments qui valent le coup que je la continue. Je ne cesserai de rêver de me relever, je surveillerai encore et toujours les avancées techniques, technologiques et médicales allant dans ce sens espérant avoir droit à mon miracle mais en attendant, je compte bien savourer ce qu’il y a à savourer !
Maintenant si cette façon que j’ai de faire face à mon handicap en gène certains, peu importe, je ne leur demande rien comme je ne les oblige pas à me lire non plus. Mais que ce soit des valides ou des handi, l’attitude que l’on adopte pour nous sortir la tête de l’eau ne peut être jugée : ce serait juger un instinct, celui de survie, et c’est aussi peu utile que ce serait crédible. Alors arrêtez. Arrêtez vos conclusions, vos raccourcis et vos grandes réflexions. Observez, demandez, discutez et acceptez que tout le monde ne puisse pas faire ou penser les choses comme vous sans pour autant condamner ou encenser. Juste enrichir votre panorama de nouvelles différences.
Article absolument génial et que je partage complètement. Cela m’a beaucoup touché car si je ne suis pas en fauteuil, je connais bien d’autres difficultés qui vont avec la SEP et j’aurai presque pu écrire ses mots… Bravo! Et merci pour ce très beau point de vue.
Merci, je suis heureuse que tu t’y retrouves et que tu aies aimé 🙂
Bonjour,
Je suis tout à fait d’accord avec vous.
Mon handicap est la douleur; qui ne me permet plus de me déplacer autrement qu’en fauteuil électronique.
Et je suis heureuse, oui, heureuse.
J’ai mal et je suis heureuse, j’ai tout le temps mal, parfois un peu, parfois beaucoup.
Le bonheur envoie des endorphines, et les endorphines sont bonnes pour moi.
Serais-je donc heureuse par thérapie ?
Non je suis devenu quelle qu’une d’heureuse par le positivisme.
Et oui, on m’a déjà dit souvent, mais si tu ris c’est que tu n’as pas mal.
Ah, c’est mal me connaître !
La douleur, je l’ai, bon, je ne vais pas me prendre la tête avec, elle et moi c’est pour la vie.
Et la vie, j’ai décidé qu’elle serait heureuse.
Voilà.
Merci pour le blog
Martine.
ps Roulettes et sac à dos c’est Blandine. 😉
Mais vous avez raison ! Il faut rire, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de mal, ça veut juste dire qu’on sait ce qu’on veut et que ce qu’on veut c’est aimer vivre, juste ça.
Pour ce qui est de Roulettes et sac à dos, je suis allée vérifier (dans le doute quand même) et c’est bien Audrey ( http://roulettes-et-sac-a-dos.com/audrey-barbaud/ ) mais peut-être ne parlons-nous pas de la même ?