Il y a quelques semaines j’ai passé la soirée avec une amie para (aussi en fauteuil donc) et je suis avec assiduité les posts de Circée sur Douce Barbare (blog sur le handicap côté sclérose en plaques). Que ce soit les unes ou les autres, nous avons toutes eu droit au fameux « oh mais tu es teeeellement courageuse » Et que ce soit les unes ou les autres nous avons toutes la même réaction.
Non, je ne suis pas courageuse.
Parfois je perds patience.
Parfois je crie.
Parfois je m’énerve.
Et parfois je pleure.
Parce que je suis humaine. Parce que nous le sommes toutes.
Maintenant il est vrai que nous nous sommes battues pour ou contre notre handicap. Nous nous sommes battues pour que notre vie nous donne envie de la continuer et nous nous sommes battues pour qu’elle ne soit pas trop difficile.
Nous avons fait preuve d’égoïsme plus que de courage.
Je parle souvent d’instinct de survie plus que de courage.
L’une des deux autres m’a parlé de choix plus que de courage.
D’un certain côté, elle a raison. Nous avons choisi de rire plutôt que de pleurer, de sortir plutôt que de s’enfermer et de faire avec plutôt que de déprimer. Nous ne choisissons pas ce qui nous touche, mais choisissons la façon d’y faire face. Parce que nous ne voulons pas gâcher ce qu’il nous reste à cause de ce que nous n’avons pas. Nous n’avons aucune tendances masochistes, inutile donc de se rajouter toutes seules des difficultés en s’apitoyant sur notre sort. Mais si penser et agir ainsi donne l’impression que nous sommes fortes, ça n’enlève en rien le fait que non, être en fauteuil (ou souffrir de tout autre handicap) n’est pas facile, n’est pas acceptable, pas plus que ça n’est agréable (quelle idée !). Il n’y a aucune invincibilité et il nous arrive de baisser les bras. Pas longtemps. Bien cachées.
Maintenant pour ce qui est de ce que l’on construit avec notre handicap, presque grâce à notre handicap, chacune fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a et avec ce qu’elle aime aussi. C’est notre manière à nous d’aller de l’avant, de surmonter ce que nous sommes (devenues) sans nous noyer dans les difficultés de tout ce que ça implique.
Nous sommes deux à écrire beaucoup, deux font du sport à (très) haut niveau (une a la double casquette). Ça en impressionne certains. Alors que nous faisons juste quelque chose qui nous plaît et qui, quelque part, donne un sens à notre différence, à ce qui nous est arrivé… Nous ne nous forçons pas. Il n’y a aucun mérite à exploiter nos forces plutôt que de se laisser enliser dans nos faiblesses.
Je tiens un blog que vous êtes pas mal à lire maintenant, mais qu’est-ce à côté de médaillés paralympiques ?
À côté de Philippe Croizon qui a traversé la Manche puis fait le Dakar en étant amputé des quatre membres ?
À côté de cette jeune femme atteinte de trisomie qui a ouvert son propre restaurant ?
À côté de cette danseuse amputée qui a participé au Danse avec les Stars américain ?
À côté de l’équipe de la série télévisée Vestiaires ?
Pas grand chose. Et en même temps pourquoi comparer ? Ça n’est pas comparable. Quelqu’un qui excelle en natation sera peut-être nul en rugby. Quelqu’un qui écrit peut être incapable de jouer. Quelqu’un qui travaille dans une entreprise ne se sentira peut-être jamais de se lancer en indépendant. C’est vrai qu’on peut toujours trouver meilleur que soi, comme on trouve toujours pire. Et puis si un jour nous sommes courageuses, peut-être que le lendemain nous le serons moins, et inversement.
Circée résume finalement ça très bien : « Des fois les gens nous trouvent courageuses parce qu’ils ne se sentent pas à la hauteur. Sauf qu’il y a un temps pour chaque chose et que chacun fait avec ce qu’il a. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui la personne n’arrive pas a avancer qu’elle n’y arrivera pas demain. C’est pareil pour nous. »
Le seul mérite que l’on peut avoir c’est de faire ce dont on est capable.
Edit : après avoir publié cet article, je me suis faite incendier par l’une de mes amies. Elle n’acceptait pas que je refuse à ce point cette caractéristique, ce courage, comme faisant partie de moi. Me voici donc à nuancer : certes nous ne sommes pas lâches, ce qui nous différencie de certains autres individus. En ce cas oui, nous sommes courageuses. Mais pas plus que vous. Pour beaucoup d’êtres humains, pas tous peut-être mais beaucoup, nous le sommes quand il le faut.
Génial! Tout y est!
Bon ça va alors, c’est que tu as eu raison de me faire confiance (ouf !) 🙂
J’adore cet edit mais je ne vois vraiment pas pourquoi ;p
Ahah je suis faiiiiible :p
Ton texte est très beau et émouvant
Je me retrouve complètement dans ton article. J’entends aussi souvent : « mais quelle force, quel courage… » ça me fait toujours drôle (et limite bondir…) parce qu’à mon sens, ce n’est pas du tout ça. C’est trouver le moyen de survivre, d’être heureuse avec ce qu’on a. C’est un instinct. C’est choisir de surmonter ou se laisser avaler… et parfois on y arrive, parfois on est faible, on craque avant de se relever, encore. Mais ça les gens ne le voient pas ou ne veulent pas le voir.
Merci pour ce beau témoignage.
Je découvre ton blog avec une émotion vraie. Je m’aperçois qu’aussi tolérante que je voulais être, je ne m’étais jamais intéressée aux personnes en situation de handicap. J’admire tes mots sans les idéaliser ou magnifier ce que tu vis. Je les trouve francs, je les trouve vrai. Merci de tenir ce blog et de nous informer sur ta vie <3
Merci Clea, j’en suis très touchée : j’étais un peu pareil, je me pensais altruiste et à m’y retrouver, en fait je n’y connaissais rien. Ça fait tout drôle de s’en rendre compte et c’est d’ailleurs suite à cette prise de conscience que j’ai passé le pas de faire un blog.