Une parenthèse entre deux vies. À moins que ce ne soit une parenthèse dans une seule vie ? Un double sens réfléchi, voulu, qu’aujourd’hui je vous explique.
22 avril 2014 (création du blog)
Pour moi il y a un « avant » l’accident dans lequel je vivais comme n’importe qui. Je faisais mes études en contrat de professionnalisation donc je travaillais et j’aimais le chemin que j’avais pris. J’étais en coloc, je voyais souvent mes amis. La classe dans laquelle j’évoluais était devenue comme une autre famille, l’année à venir était déjà organisée. Finalement, on peut dire que je me sentais heureuse car tout se passait bien. Je commençais à me construire, à me construire vraiment. Prendre mon envol, me projeter.
Mais j’ai été coupée dans mon élan par cet événement que l’on ne voit jamais venir parce que « ça n’arrive qu’aux autres ». Sauf que l’autre, cette fois, et bien ce fut moi…
Ce mélange de tant de sentiments.
Ce qui est difficile et insoupçonné, c’est que je ne peux ressentir de colère, de frustration. Il n’y a pas de « et si » possible car quoi qu’il arrive, chaque choix que j’ai fais était le bon. Je serais de toute façon passée par cette route, et je n’aurais pas davantage su quoi faire donc la finalité aurait été la même. Peut-être est-ce surprenant mais je n’ai pas de regrets, manifestement ça devait se passer ainsi. Je ne peux en vouloir à personne, aucune voiture ne m’est rentrée dedans ou ne m’a grillé une priorité. Et je ne peux pas non plus m’en vouloir étant donné que je conduisais correctement. Alors quoi, il faudrait tenir Mère Nature pour responsable ? Ce serait aussi inutile qu’idiot.
S’est alors ouverte une parenthèse.
C’est comme si j’avais été soudainement engloutie dans un monde parallèle, hôpital et centre de rééducation. Être d’un coup projeté dans l’inconnu, alors que ce qui était votre univers auparavant continue de tourner. À côté de vous. Difficile à imaginer ? Pas plus à vivre à vrai dire. Cette impression, cette troublante impression d’être en suspens. Comme une marionnette que l’on répare, qui voit le spectacle continuer et qui attend de pouvoir être de nouveau en mesure d’y participer. Pour mieux illustrer cela, j’ai dans ma tête comme deux temps. Comment expliquer cela sans vous perdre ? Parfois en parlant d’un film, d’un livre, d’un concert, je dis à mon interlocuteur que je l’ai vu ou lu il y a deux mois, il y a un an. Mais quand j’y repense, ça aurait été il y a deux mois, ça aurait été il y a un an avant mon accident. Je n’ai pas encore le réflexe d’ajouter la longue période de mon « autre vie ». D’où l’évidente illustration d’une parenthèse…
Édit du 18 juillet 2016 (après refonte du blog)
Relooking du blog, deux ans plus tard.
Je me suis vraiment posé la question concernant le nom : est-ce que je le change lui aussi ou est-ce que je le conserve ? J’avais peur qu’il ne soit plus aussi pertinent, plus d’actualité pour moi, et en fait… La réponse que j’ai adoptée vous la connaissez. Quant à la réponse à la question posée dans cet article, elle est plus simple, plus évidente. Je n’aurai certes pas besoin d’autant de lignes qu’il y a deux ans pour l’expliquer.
Durant mes vingt-cinq longs mois de rééducation, j’ai dû tout mettre entre parenthèses. Finir mes études, avoir mon premier boulot à plein temps, faire la fête toute la nuit avec les copains, tomber amoureuse, avoir le cœur brisé, s’engueuler avec ses parents pour le loyer, tester des restos, aller à des festivals, partir en voyage sur un coup de tête, se plaindre de tout et de rien (surtout de rien), galérer pour finir le mois (et s’acheter des pâtes pour y arriver), payer mes premiers impôts (au moins pour ça pas de regret)… Bref, toutes ces choses que l’on est censés faire à vingt ans et qui ont été mises en pause. Ma vie d’avant, il a fallut que j’arrive à la laisser derrière moi et que j’en construise une nouvelle, avec de nouvelles données.
Avant, après, maintenant, une vie.