Rééducation et programme télé

 

Être en centre de rééducation, c’est avoir l’occasion de vivre des situations bien spéciales. Tel un  monde parallèle, vous pouvez assister à des scènes que vous ne verrez nulle part ailleurs ! Aujourd’hui, je vais vous parler du grand moment du réfectoire.

Le  réfectoire…. Feuilleton aux mille visages (enfin, pas plus d’une centaine ici en réalité), aux histoires innombrables et sketchs plus ou moins humoristiques. En une heure et demie de temps que dure le repas, pas besoin de télévision : vous avez le droit à un épisode de Toute une histoire, un du Loft, un autre d’Enquête d’actualité, sans oublier Perdu de vue et Un dîner presque parfait. Le tout encadré par Le petit journal bien évidemment !

 

Prêt pour le zapping ? Tous à vos télécommande ! 

 

télé 1

 

 

  •  Le petit journal : Ce n’est pas parce que nous sommes enfermés dans notre rééducation que nous devons abandonner les informations extérieures. Car si notre quotidien est rythmé de kiné-gym-psy-ergo et autres, le monde ne s’arrête pour autant pas de tourner. De plus, il faut bien le dire, l’actualité sert pour beaucoup de point de repère. Ainsi, le repas se retrouve rythmé de « est-ce que vous avez vu ce qu’il s’est passé ? » « c’est quand même bien/n’importe quoi  telle ou telle chose ». Bon, inutile de vous dire qu’en ce moment, c’est plus du « alors, t’as vu le match ? » et tout ce qui s’en suit. Conséquence : tout le reste passe  un peu à l’as, rien d’autre n’a d’importance et même sans suivre le foot, nous savons qui a joué contre qui, comment, et avec quel score. La faim dans le monde, les politiques qui font du zèle, la guerre, le trafic routier, les peoples, les vacances, tout ça, tout ça ? Pas entendu parler. Même ce qui passe au cinéma est tu : me voilà obligée d’aller fouiller dans internet, si ce n’est pas malheureux quand  même !
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  • Toute une histoire : Bien oui, quand un nouveau arrive, il n’y échappe pas. « Et pourquoi tu es là, et qu’est-ce que tu as, et pour combien de temps, et qui est ton kiné/ergo/voisin de chambre … ? » Si votre poids et votre date de naissance ne vous sont pas demandés, estimez-vous heureux, vous êtes tombé sur un interrogatoire léger. Même après, quand tout le monde est au courant (je dis tout le monde car les nouvelles vont vites au Pays des Patients), il vous faut alimenter la conversation et votre vie n’aura bientôt plus de secrets pour les personnes du réfectoire.
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  • Le Loft : Les départs, les arrivées, les potins. Tout y passe, mais pas en résumé, ça non ! « Vous avez vu, M.Machin est parti : c’était un peu tôt, à tous les coups, ça doit se bousculer au portillon alors ils virent les patients dès qu’ils peuvent. Oh et puis la personne qui est à sa place maintenant à table, elle est arrivée hier : dure vie que la sienne, elle n’est pas prête de partir… Tiens, Mme. Truc a changé de table… Il paraît que sa voisine lui a craché dessus en éternuant et que depuis elle ne la supportait plus. Ah, le médecin est passé ce matin, et bah il va se marier avec la nana de l’autre jour : mais si, tu sais la grande blonde avec l’air idiot. Encore une qui n’a pas inventé la poudre. A propos d’idiot, tu savais que Mme Bidule avait un fils interné en asile ? Comme M.Chouette se moquait d’elle l’autre jour, elle s’est mise à pleurer en lui criant dessus, ça a fait jaser. La coiffeuse m’a dit que Mme Bidule refusait de sortir de sa chambre et que même le kiné s’était fait envoyé sur les roses tu te rends compte. Et j’ai appris qu’ Infirmière était enceinte! Ça va lui en faire quatre, elle va être débordée ! Tu vas voir que ça va encore se sentir sur son travail, déjà qu’elle ne faisait pas grand-chose ! Enfin peu importe : d’ici là je serai partie ! » (Messieurs si vous riez, sachez que ce discours n’est pas QUE féminin, je vous assure ! Quand je vous disais qu’il y avait du sketch à prévoir…)
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  • Enquête d’actualité : Alors c’est vrai, ici, ce ne sont pas des trafics de drogues ou d’alcools qui sévissent mais en réalité bien pire. Soyez attentifs et vous verrez peut-être des sachets de sucre cachés furtivement dans les poches de fauteuil, des saucissons dissimulés sur les rebords de fenêtre, de petits crottins de chèvre ramenés en douce et planqués sous les serviettes, des échanges de yaourts aromatisés  : les délits sont nombreux. Tendez l’oreille et vous n’entendrez pas « Tu peux m’avancer de l’argent/une cigarette/un verre… » mais le stade supérieur et quelque part assez inquiétant du « Tu peux m’avancer une vinaigrette/une mayo/un ketchup… » Mais où est la sécurité je me le demande…
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  • Perdu de vue : Je vais passer outre la vieille petite dame qui veut se faire la malle, le papy fugueur ou le fauteuil égaré puisque nous sommes au réfectoire. Et au réfectoire, quand nous cherchons à montrer une personne sans la pointer du doigt (parce que nous sommes polis), c’est une discussion complètement irréaliste que vous pouvez à ce moment intercepter. Pour vous le montrer, comparons : vous êtes en compagnie d’un(e) ami(e) avec qui vous travaillez et vous lui parlez d’un collègue. « Mais si tu sais, le grand brun un peu dégarni. Avec des lunettes ? Il est dans le bureau juste à côté et il a fait les mêmes études que moi. Il a de super grande mains et il porte toujours des chemises à carreaux. » Vous voyez ? Bien. En version « centre de rééducation » ça donne ça « Mais si tu sais, l’amputé de la jambe droite qui est arrivé le mois dernier. Avec le fauteuil actif rouge ? Il est assis entre la dame qui a eu un AVC et l’accident de tracteur : il était au même hôpital que moi. Il a un kiné super grand et porte toujours des gants pour pousser ses roues. » Différent n’est-ce pas ? Disons qu’ici, les repères ne sont pas tout à fait les mêmes…
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  • Un dîner presque parfait : Le propre de l’être humain est la critique. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, elle est toujours là. Et comme toujours en cuisine, il y a les difficiles, il y a ceux qui mangeraient n’importe quoi, ceux qui râlent mais mangent tout, les petits appétits, les positifs, les négatifs, les gentils, les moqueurs, ceux qui pensent se faire mousser en sortant des phrases comme « même mon chien n’en voudrait pas » (et j’ai entendu cette phrase plus d’une fois : manifestement il y a des patients moins intransigeants que certains canidés puisse qu’ils finissent leurs assiettes… Cela étant dit, je serais curieuse de les voir, ces fameux chiens qui bouderaient un morceau de viande sous prétexte qu’il manque un peu de cuisson ! ). C’est vrai que nous sommes loin des petits plats de maman, mais nous sommes une collectivité : il ne faut pas s’attendre à de la grande gastronomie non plus. Et si chacun y va de son commentaire (parce que ça reste quand même un exercice amusant) ce n’est pas que sur la nourriture mais aussi sur les couverts, le choix, les places, les repas à thèmes. Là encore, sujet intarissable bien sûr.
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Après tout ça, qui pourrait dire que la télévision nous soit indispensable ? Nous la vivons ! C’est parfois drôle, parfois agaçant mais c’est la vie d’ici et il n’y a pas à s’ennuyer !

 

 

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2 commentaires sur “Rééducation et programme télé

  1. Que j'ai ri! L'instant d'une lecture je me suis retrouvée au réfectoire du centre de rééduc!!
    Bon je reconnais que souvent ça me saoulait tellement que je faisais l'associable du genre faut que j'aille reposer ou j'ai pas eu le temps de faire ça
    Par contre des fois il fut bien le dire on retrouve des gens géniaux.

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