Travail et handicap, à l’abordage (même si vous faites le pont)

 

Il fait froid. Ce sont les premiers jours d’hiver que je passe dans cet appart et je n’ai pas encore pris le temps d’étudier le mode d’emploi de mon chauffage. Je sais ce que vous allez dire : nous ne sommes qu’en automne. Sauf que chez moi, à partir du moment où je suis obligée de sortir la couverture par-dessus la couette, je suis désolée mais non, c’est l’hiver (quand je pense qu’il y a une semaine encore je croyais ne pas être frileuse…) Alors je garde mon écharpe toute la journée, bois du thé ou du chocolat et j’utilise mon chat comme bouillotte (elle a pris un peu de gras le mois dernier, ça m’arrange). Et malgré mon cerveau refroidi, mes mains gelées et ma motivation aussi reluisante que les rayons du soleil, de quoi vais-je vous parler ? De travail. Normal. Parfois mieux vaut ne pas chercher.

 

On le voit, on nous le dit assez souvent, trouver du boulot, c’est déjà une aventure à part entière. Imaginez un peu si, en plus, nous ne sommes pas « standards » ! Ben oui, quand on est handi, la normalité ne fait plus vraiment partie de notre vocabulaire et la vie active n’échappe pas à la règle. La fatigue n’est pas la même. L’endurance, la fragilité (douleurs, faiblesses immunitaires…), la concentration et le fonctionnement de la vessie non plus (faut penser à tout). Un patron qui doit choisir entre un C.V de valide et un de non valide n’est pas toujours prêt à miser sur le cheval qui boîte. Sans parler des aménagements !

 

Déjà à la base, il faut que le lieu soit accessible (pour venir y travailler c’est plus pratique). Oubliés les immeubles sans ascenseurs, les usines avec des marches, les exploitations aux sols impraticables, les locaux en centre ville aux portes étroites et les vieux bureaux sans sanitaires adaptés. Et après ? Après il faut que le plan de travail soit assez haut pour qu’un fauteuil passe en dessous si fauteuil il y a, ou qu’il soit assez bas pour que la personne dans ce même fauteuil puisse voir ce qu’elle fait. Certains handicaps demandent des adaptations spécifiques aussi, ne serait-ce que pour utiliser une souris d’ordinateur par exemple. Parce que comme d’habitude, chaque cas amène son lot de spécificités aussi et les contraintes ne sont pas les mêmes pour un paraplégique, pour une personne atteinte de sclérose en plaques, ou quelqu’un d’amputé.

 

Que de questions et d’inconnues, autant pour l’employeur que pour l’employé… Et encore, tout ça c’est pour les métiers que nous pouvons faire. Parce que pour ceux qui faisaient de la maçonnerie, de l’élevage d’animaux, des cours de sports, du cirque, que sais-je ? Parfois c’est toute l’activité qu’il faut abandonner et c’est partie pour des heures et des heures d’angoisses : que faire de ma vie ? Suis-je capable de faire autre chose ? Et quoi ? Puis des heures et des heures d’énergie utilisée à une reconversion professionnelle. Sans oublier (quand même) qu’on a le droit de vouloir faire quelque chose qui nous plait non ?

 

 

 

 

Cela dit certains ne s’embêtent pas avec tout ça. Les assurances payent (dans certaines situations seulement) assez pour vivre convenablement sans exercer une quelconque activité. D’autres vont se tourner vers le sport aussi, chacun fait le choix de la vie qu’il veut mener avec son « nouveau corps ». Et chacun fait comme il peut avec, aussi.

 

En ce qui me concerne, en hyperactive que je suis, il m’était inimaginable de ne pas reprendre mon métier, encore plus parce qu’il se trouve que je l’aime vraiment ! Mais ayant bossé deux ans à retrouver autonomie et indépendance, j’avais du mal à me projeter sous les ordres de quelqu’un, même pour un salaire. Se lancer dans l’auto-entrepreneuriat fut donc ma solution. Pas de patron, pas de soucis d’adaptations, d’horaires, de périodes de rééducation (souvenez-vous, je dois y retourner un mois deux fois par an : pas facile à faire accepter à un employeur !) et surtout, surtout, pas de compte à rendre.

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais là-haut, dans la barre de menu, il y a un onglet « conférences ». Voilà, c’est ça. Ça va être mon travail : donner des conférences sur le handicap dans les écoles supérieures et les grandes entreprises. Ma vie va donc tourner autour du sujet. Au début j’en étais récalcitrante. Et puis je me suis rendue compte que ça avait été ça, mes études, ma spécialisation. Pendant que les copains apprenaient le marketing, l’enseignement, la mode ou la musique, moi je baignais là-dedans, en rééducation. Alors n’était-ce finalement pas la suite logique ? Coupler le métier de mes diplômes avec une expérience acquise malgré moi ? Comme dirait l’autre, « L’avenir nous le dira ! »

 

Au coin du feu

 

 

7 commentaires sur “Travail et handicap, à l’abordage (même si vous faites le pont)

  1. Bravo ! Je suis sûre que tu vas apporter beaucoup à tous tes auditeurs sur le sujet du handicap. Tu vas faire bouger les choses, notamment sur recrutement des personnes handicapées. A quand ta prochaine conférence à Paris ? J’ai bien envie de venir ?

  2. Je pense pareil que Vlahisse, je trouve ça stylé que tu puisse t’exprimer sur le sujet lors de conférences 🙂 Franchement, qu’est-ce que c’est un boulot idéal ?
    Quelque chose qu’on aime faire, qui apporte quelque chose à la société, et qui permet de vivre correctement.
    Est-ce que ça ne rempli pas ces trois conditions ? 🙂

    1. Exactement ! Peut-être que dans la durée je finirai par en avoir marre mais pour le moment j’en suis loin et j’ai hâte de commencer 🙂

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