Quand on est handi, les soirées avec de l’alcool ça donne quoi ?

 

J’ai vingt-quatre ans. Alors quand je ne travaille pas et bien je sors pas mal, je bois un peu, je profite des copains le plus possible. Mais en fauteuil rien n’est simple, si seulement. Et rien n’est tout à fait « comme tout le monde », pour le meilleur et pour le pire. Parce que je vous ai promis de raconter toutes les facettes du handicap, aujourd’hui je vous parle soirées et alcool.

 

J’ai toujours été relativement raisonnable. Les trous de mémoires ou les vomissements conséquences de trop d’alcool je ne connais pas. La gueule de bois si j’ai eu…une fois. Mais même si j’avais été de ceux qui en abusent, il y a une chose qui freine toute envie d’aller trop loin : le fauteuil (et tout ce que ça implique). Pas qu’on ne puisse pas rouler droit, blague que j’ai trop souvent entendue. Non en fait c’est tout bête mais c’est quand même plus pratique pendant une soirée de pouvoir continuer à aller aux toilettes et, une fois celle-ci terminée d’être capable de se coucher.

 

Je m’explique.

 

Que ce soit par la boisson, par la fatigue ou les deux, quand il se fait tard vos muscles peinent. Si votre tête continuerait bien jusqu’à 5h du matin, votre corps lui n’est pas toujours de cet avis n’est-ce pas ? Et bien pour les handi c’est pire. Nous avons déjà un corps plus faible « en temps normal » donc si en plus on tire dessus imaginez ! Quand on va aux WC, si on veut baisser le pantalon ou remonter la robe ou la jupe, et bien il faut se soulever. Mais pour ça encore faut-il avoir la force nécessaire ! Si vous avez plus d’alcool dans le sang qu’il n’en faut, autant vous dire que c’est mort, vous n’avez plus qu’à vous faire dessus. Ainsi par respect pour vous même (d’abord) je vous assure que vous devenez prudents quelles qu’aient été vos habitudes avant. Quant à avoir la capacité de se coucher à la fin, là non seulement il faut décoller du siège mais il faut en plus avoir l’énergie de se déplacer en même temps. Alors je sais bien, les copains peuvent donner un coup de main et c’est vrai qu’ils le feraient. Mais j’ai travaillé trop dur et trop longtemps mon indépendance pour la laisser tomber ne serait-ce que dix minutes pour une raison aussi futile que celle de l’alcool.

 

Mais jusque là je vous parle de ce que je vis. Je répète assez souvent comme ça que chaque handicap est différent pour que vous puissiez me poser la question : et pour les autres qu’est-ce que ça donne ? J’ai un ami qui a une tétraplégie plus importante que la mienne, lui n’a quasi pas d’abdos. Du coup s’il ne fait pas attention et qu’il se penche un peu trop en avant, il bascule et se retrouve bloqué la tête sur les genoux. « S’il ne fait pas attention » : après trois verres il n’était pas rare que l’on se retrouve à devoir le redresser et même si l’on en riait beaucoup, ça n’est finalement pas pratique comme souci (en existe-t-il seulement, des soucis « pratiques » ?). Pour ce qui est des copains ayant eu une amputation, si être un peu grisé après une choppe de bière leur permettait d’oublier qu’ils ont mal (membre fantôme), elle les empêchait aussi parfois de se servir correctement de leurs prothèses pour marcher. Choix cornélien.

 

Et puis la plupart d’entre nous avons des médicaments aussi (douleur, spasticité, digestion…), certains faisant très mauvais ménage avec certains alcools : j’en ai un qui me met dans un état moral pas vraiment joyeux lorsqu’il rencontre du vin rouge (et seulement quand c’est du vin rouge) par exemple. Tout ça nous ramène finalement quelques années auparavant : on doit recommencer les tests pour apprendre et comprendre nos nouvelles limites, en connaître les conséquences, le pouvoir que l’on a dessus et faire le choix de prendre des risques ou non. En ce qui me concerne je ne compte pas en prendre de trop grands. J’évalue à quel niveau je suis lorsque je vais aux toilettes par rapport à la difficulté que je vais avoir et le temps que je vais mettre à faire ce que j’ai à y faire. Et ça marche plutôt bien, je refuse d’un jour me retrouver dans un état que je ne pourrai pas gérer toute seule par égard pour moi, pour mes deux ans de rééducation, pour les autres et pour mes souvenirs que je ne veux pas mauvais.

 

Mais c’est mon choix. Comme je choisis de ne pas boire si je dois conduire. Comme nous choisissons de nous arrêter quand la barrière de la voie ferrée se baisse ou comme nous choisissons de mettre un casque pour faire de la moto. Certains en feront un différent.

 

wink alcool

 

 

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3 commentaires sur “Quand on est handi, les soirées avec de l’alcool ça donne quoi ?

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