L’Homme est un animal grégaire : il vit en groupe(s). Plus ou moins nécessairement, plus ou moins grands. Nous avons tendance à faire les choses en compagnie, de boire un verre entre copains à aller en vacances en famille, en passant par le shopping avec la meilleure amie, les week-ends en amoureux ou encore la sortie ciné avec les collègues de boulot. Je ne déroge pas à cette habitude ancestrale. Pourtant cet été, j’ai eu envie, besoin même, de partir seule (entre autres). Et ce ne serait sûrement pas notable s’il n’y avait cette contrainte de fauteuil.
Certains le savent déjà, j’ai passé vingt-cinq mois en centre de rééducation, à me lever chaque jour pour avancer un peu plus vers cette autonomie totale que j’ai finalement acquise malgré mon handicap. Après des dizaines de chutes, des centaines d’essais et des milliers d’obstacles, je suis aujourd’hui libre de faire bien plus qu’on ne me l’avait prédit au départ. Mais comme si ça ne me suffisait pas – ce qui je crois, sera toujours le cas – j’ai cette manie de le vérifier encore et toujours, comme pour me prouver à moi-même que je peux le faire, sûrement pour le prouver aux autres aussi d’ailleurs !
Que ce soit avant mon accident, ou que ce soit maintenant, je n’étais jamais partie seule en voyage. Ou si ! Une fois… Deux jours… Dans la maison familiale… Quelle aventure ! (non)
Bref, j’ai eu envie d’y remédier et je m’en sentais capable. Après tout, j’ai ma Citrouille (voiture) pour m’emmener n’importe où, j’ai déjà séjourné à l’hôtel accompagnée et il n’y a eu aucun souci, quant à me balader à droite et à gauche ma foi, avec les roues à propulsion électriques que possède mon fauteuil manuel, ça semblait plutôt anodin. Et puis j’étais très attirée par le fait de retourner dans une région où j’ai beaucoup de souvenirs de gamine : l’Alsace.
J’ai donc fait les six-cents kilomètres qui me séparaient de Strasbourg pour poser ma valise quelques jours dans un hôtel du centre ville. Je ne me suis pas donné de limites concernant le fauteuil, j’avais décidé de me mettre au défi en faisant ce qui me tenait à cœur sans me demander si c’était toujours une bonne idée. Et vous savez quoi ? Ça a marché ! Enfin… ça a roulé ! Oh je ne dis pas qu’il n’y a pas eu quelques loupés, notamment quand je me suis dit que ce serait sympa d’aller à la Montagne des singes qui, comme son nom l’indique, est… dans la montagne ! Mais est-ce l’esprit vacances ou juste la gentillesse naturelle des gens, il y a eu à chaque difficulté un inconnu pour m’aider. C’était tellement sur de l’imprévu ou sur du « pas grave », que ça ne me mettait pas en échec de ne pas y arriver. Et j’ai pris conscience qu’en plus, ça faisait vraiment plaisir à ces personnes de se rendre utiles vis à vis de moi : par bienveillance, par solidarité, par exemple pour les enfants… Jamais par pitié.
Bon, à part ces rares occasions où la solitude m’aurait mise dans une situation difficile (mais pas impossible non plus), j’ai ressenti ce bonheur enfantin de constater que je pouvais quasiment tout faire par moi-même. Comme le jour où j’ai réussi à faire du vélo pour la première fois, comme celui où j’ai eu enfin droit à la permission de minuit, comme celui où j’ai emménagé dans mon appart’ d’étudiante, je me suis sentie un instant invincible. Et fière. Parce qu’on m’avait dit, il y a quatre ans, que ce ne serait pas possible.
Alors voilà, j’ai fait du tourisme toute seule, et c’était cool. Ne dépendre de personne. Faire ce dont j’ai envie sans me sentir coupable d’être un poids ou une gène pour celui ou ceux qui m’accompagnent. Aller à mon rythme : pour certaines choses plus lent que les valides (aller aux toilettes, monter/descendre de voiture) pour d’autres plus rapide (avancer dans les rues).
Il y a eu un homme qui m’a interpellée au détour d’un carrefour pour me demander s’il n’y avait vraiment personne avec moi, étonné que ce soit possible. Et j’étais heureuse de me rendre compte que pour moi, c’était devenu normal. Ou du moins pas plus étrange que n’importe qui qui marcherait seul dans la rue. Un soir où il pleuvait je suis même allée au cinéma toute seule, chose qui m’aurait terrifié étant ado, alors même que je n’étais pas encore handi, et j’ai adoré ça en plus !
Les regards extérieurs étaient amusants : impressionnés, interrogateurs, parfois inquiets et parfois… inexistants ! Ce fut ma plus belle victoire d’ailleurs : à me balader « comme tout le monde », je passais presque inaperçue au milieu des autres touristes. Comme je n’avais nullement l’air de peiner, et qu’en plus j’avais le sourire aux lèvres (si vous connaissez la beauté de l’Alsace, vous savez pourquoi), les gens que je croisais n’avaient pas de questions à se poser à mon propos parce que je ne passais pas pour une « infirme ». Comme quoi la sensibilisation des valides est importante pour leur montrer que nous ne sommes pas si différents, bien humains, mais notre attitude peut aussi faire une bonne partie du chemin !
ah c’est malin ça…..maintenant nous avons envie d’y retourner en Alsace!….
une si belle région. Et des gens sympas, aussi.
Sinon: bravo pour ton périple touristique. C’est bien que tu puisse (re) découvrir des régions par toi-même.
Nous avons la chance d’en avoir plein en France. Et pour peu que l’on aille vers eux on s’aperçoit que les gens y sont aimables et accueillants.