Handicap’et alors ? Faire de l’aviron

 

Dans l’article de la semaine dernière, je vous racontais ma rencontre avec une personne faisant partie d’une association handisports. C’est suite à cela que je me suis retrouvée embarquée sans avoir le temps d’y réfléchir dans un nouveau test sportif : tétraplégie et aviron.

 

rame Jack

 

Contrairement à mes envies de parapente, l’aviron était un sport qui ne m’avait jamais posé question. J’ai connu des personnes qui en faisaient et j’étais allée voir l’une d’entre elles lors d’une compétition c’est vrai, mais en faire ne m’avait jamais vraiment effleuré l’esprit.  Je suis dans une ville dans laquelle ce sport est très développé, cependant l’occasion d’essayer ne s’était jamais présentée.

 

Le plan d’eau accueillant le club voit en ce moment une jeune femme s’entraîner de façon très intensive. Son but est de s’élever dans la compétition au niveau national d’abord, puis plus loin ensuite si possible. Sa particularité ? C’est une paraplégique haute (lésion dorsale). Et oui, à l’aviron aussi nous avons des handisportifs ! Mais si c’est possible pour les uns, l’est-ce pour moi ? Car une personne tétraplégique possède bien souvent des mains défectueuses : comment ramer alors ?

 

Pour une initiation, nous avons opté pour un double de couple (ou double-scull) qui est une embarcation de deux personnes possédant chacune deux rames. Le skiff, bateau « à la solitaire » sera pour plus tard. Je passe rapidement les préparatifs de base qui concerne toute embarcation quelle qu’elle soit : mettre le siège à hauteur, la palette pour les pieds à la bonne distance, préparer les rames…

 

aviron préparation

 

Attardons-nous plutôt sur les adaptations.

 

aviron tétra

 

Une fois avoir été portée de mon fauteuil au bateau, j’ai été soigneusement installée puis mes jambes ont été attachées ensemble (1) afin qu’elles ne basculent pas dans une mauvaise position une fois l’activité débutée. Ensuite, dans le cas d’une paraplégie haute ou dans celui d’une tétraplégie même incomplète, il est rare que la zone abdominale et le dos soient à 100% côté force. Mieux vaut alors dans un premier temps, par précaution, se munir d’une ceinture qui nous maintienne au siège (2) en cas de déséquilibre du buste.

 

A part cela, pour qui a les mains faibles, des dispositions s’imposent car si nous ne sommes pas dans la mesure de bien tenir la rame, nous ne risquons p
as d’avancer ! Dans mon cas, j’ai ce qu’il faut de préhension à droite donc aucun soucis de ce côté là mais à gauche, c’est différent. J’ai assez de force au niveau du poignet mais n’ai aucune réponse dans les doigts. Qui est-ce qui, du coup, s’est retrouvée la main attachée à la rame (3) ? Cela dit même ça, il a fallu s’y prendre plus d’une fois : trouver le bon angle pour avoir la meilleure tenue possible et refaire le nœud jusqu’à ce que la main ne glisse plus.

 

L’aviron est un sport complet : tirer sur les jambes, mettre de la force dans les bras, faire travailler les abdominaux, s’aider de ses épaules et tenir le dos. Déjà que pour une personne valide ce n’est pas évident, je vous laisse imaginer pour ceux qui le sont moins !

 

Car si je reprends :

  • Tirer sur les jambes : assez pour lancer le mouvement mais pas trop pour éviter tout réflexe spastique. Et pour quelqu’un qui n’aurait rien (paraplégie complète par exemple), il aura intérêt à avoir de quoi compenser là-haut !
  • Mettre de la force dans les bras : pas de problème pour la paraplégie cette fois mais pour la tétraplégie en revanche… Même en ayant retrouvé maîtrise et amplitude aux membres supérieurs, ils conservent malgré tout une légère faiblesse, séquelle d’une perte passée. Inutile de vous dire alors que pour faire avancer votre embarcation la volonté doit être au rendez-vous !
  • Faire travailler les abdominaux : du moins le peu qu’il en reste, tout en étant restreint par la ceinture.
  • S‘aider de ses épaules et tenir le dos : même chose que pour les bras et les abdos.

 

Ajouter à cela dans mon cas, le temps qu’il m’a fallu pour apprendre à bien tenir ma rame (ma main droite fonctionne bien, certes, mais pas au point d’être à l’égal d’une main en pleine possession de ses capacités), finalement je me suis rendue-compte que c’était un handisport qui demande pas mal de concentration !

 

Mais avec ça, qu’en est-il des sensations ? Plus prenant qu’un sport de raquette, moins d’adrénaline qu’en rugby fauteuil. Plus grisant que du handbike (vélo à bras), moins de magie qu’en parapente. L’aviron possède bon nombre d’attraits : le bruit de l’eau lorsque la pelle entre en contact avec, le corps qui utilise la moindre de ses ressources, le défi de la prise de vitesse et une sensation de liberté légère apportée par la glisse silencieuse du bateau. Cette activité possède aussi l’avantage de laisser le choix : la pratiquer seul ou à plusieurs, dans un but sportif ou plutôt de loisir/détente.

 

 

heure de rame, je me suis retrouvée le lendemain avec de bonnes courbatures. Quant à ma main gauche, elle était tellement peu coopérative que nous avons dû passer de l’attache en tissu au « momifiage » au scotch (qui assure toute perte de crédibilité…)

 

aviron mains

 

Pour en conclure avec l’aviron, ce fut une expérience très agréable et il est bon de voir combien les adaptations pour le handicap sont simples : ça change des fauteuils hors de prix exigés pour jouer au foot par exemple. Maintenant chaque cas est unique, certains s’en sortiraient mieux mais d’autres auraient peut-être trop de manques. En règle générale si c’est vraiment du sport que l’on cherche, l’aviron correspond quand même davantage à des personnes paraplégiques que tétraplégiques.

 

 

3 commentaires sur “Handicap’et alors ? Faire de l’aviron

  1. Super ton article.
    J'aime bien tes explications sur les différence selon paraplégie ou tétraplégie.
    Pour l'aviron, j'ai essayé moi même cet été et,niveau concentration je suis à 100 % d'accord!
    J'a quand à moi adorer les sensations.mais j'avoue que je neme sentiraispas de partir seule!

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