Handicap’et alors ? Faire du parapente

Il y a presque deux semaines, je suis allée voir La face cachée de Margot aux cinéma. Je ne ferai pas de critique ou ne donnerai pas d’avis car là n’est pas le propos. La seule chose qu’il y ait à retenir est que, bien ou pas, qu’il m’ait plu ou non, il a éveillé en moi un sentiment qui me faisait un peu défaut ces derniers temps : la rage (et la joie) de vivre (et d’en profiter).

 

Dans ce film, les personnages à tour de rôle et chacun à leur façon, partent à faire sur un coup de tête un voyage un peu fou bien éloigné de ce qui est considéré comme « raisonnable » . Ils le font sans se préoccuper bien longtemps des aspects logiques ou rationnels de leurs décisions. Est-ce possible ? La finalité est-elle certaine ? Peu importe. Car la seule et unique chose qui compte alors est de le faire, point. La jeune fille au cœur de l’histoire illustre une idée à mon sens d’une grande justesse : rester dans « notre zone de confort » est plus facile puisque nous y sommes bien et pourtant elle cautionne le fait d’en sortir mais à quoi bon ? Pourquoi ? Parce que ce qui nous fera vraiment vibrer se trouve à l’extérieur de cette zone. Parce qu’être juste « bien » est différent d’être heureux. En tout cas moi ça ne me suffit pas. Je me dis, à entendre Jacques Brel, que ce n’est pas tout à fait idiot de penser ainsi : « La bêtise c’est la paresse. La bêtise c’est un type qui vit et qui se dit « ça me suffit » ». A quoi sert d’avoir un si grand panel d’émotions possible si nous ne l’exploitons pas ?

 

En ce qui me concerne, je l’ai toujours dit : je ne veux pas me réveiller un matin et me rendre compte en regardant en arrière que je n’ai pas fait tout ce que je voulais et qui m’était possible. Sans doute ai-je été trop marquée par Le cercle des poètes disparus.

 

DEAD POETS SOCIETY [US 1989] ROBIN WILLIAMS

 

Alors d’un coup, je me suis trouvé dans cette envie, ce besoin même, de faire ce quelque chose d’un peu fou, non calculé, de désiré mais oublié. Cette soudaine frénésie m’a amené vers une multitude d’idées, mais pas celle qui me permettrait de partir demain. Non, la réponse est venue deux jours plus tard, en visionnant de vieilles photos de vacances d’il y a plusieurs années.

 

Mes parents m’avaient emmenée voir les décollages de parapentes. Je me souviens que ça m’avait fait très envie mais que l’appréhension du vide de la petite fille que j’étais alors la freinait. Et puis, vous savez ensuite comment ça marche les années passant : pas le temps, pas les finances, pas l’occasion, pas la motivation… C’est comme cela que nous passons à côté de sensations, d’émotions qui pourtant nous attiraient. Et pour quoi finalement ? Des raisons qui n’en sont pas. C’était donc décidé, la chose folle à faire sur un coup de tête là tout de suite maintenant ce serait ça : faire du parapente. Le fauteuil ? Un détails. Imaginez, cette affirmation c’était le jeudi. Vendredi je propose j’embarque une amie dans l’histoire, mardi nous sommes parties, mercredi je me suis retrouvée dans les airs. Mais voyons je vais un peu vite…

 

Après vous avoir écrit la plus longue introduction du monde, me voici enfin dans le vif du sujet. J’ai la chance d’avoir un lieu d’attache en Haute-Savoie où l’une des plus belles vues en parapente se dévoile : celle au-dessus du lac d’Annecy, entre les montagnes. Là-bas, il existe un certain nombre d’organisations qui proposent ce genre d’activités et quelques unes se targuent de pouvoir prendre en charge toute personne sans distinction : de l’enfant de quatre ans à la dame de quatre-vingt sept ans… en passant par la femme enceinte (limites posées tout de même) ou le garçon à handicap ! Je dégaine le téléphone et prends rendez-vous la veille pour le lendemain avec la première que j’arrive à joindre. Une fois cela fait, inutile de vous dire combien j’avais hâte que la nuit passe. Pour vous donner une idée, j’avais l’impression d’être une gamine de sept ans la vieille de Noël… Intenable !

 

Heure moins une, je suis étrangement calme : je n’ai aucune idée de comment cela va se passer mais peu importe, j’y vais. Je rencontre le moniteur qui va m’accompagner et le courant passe tout de suite. Nous sommes plusieurs duos comme cela à partir en même temps mais je suis la seule « invalide ». Après m’avoir embarquée dans le van, nous voici à parcourir les routes de montagnes de plus en plus étroites et sinueuses à l’approche de notre point de chute. Au fur et à mesure du trajet, l’émotion commence à m’envahir. La peur ? Le stress ? L’appréhension ? Même pas. Juste une excitation, une hâte, une montée d’adrénaline que mon sourire trahis largement. 

 

Nous y voilà, à l’endroit même où, d’ici un quart d’heure, je me lancerai dans le vide.
parapente fauteuil 1 Mais ce n’est pas encore fait car il faut avant tout m’équiper (ça peut servir). Pour cela, et parce que mon fauteuil est resté en bas à l’agence, deux des pilotes me portent à l’arrière du van. Là ils m’installent sur une petite planche qui me permettra de tenir assise une fois dans les airs. Elle est équipé d’un coussin en dessous pour prévenir de l’atterrissage. Sweat et coupe-vent enfilés, je me retrouve bientôt harnachée à mon « baudrier amélioré » tel une paupiette de veau dans son filet. Et me voici de nouveau à me faire trimballer par l’équipe qui me place sur le fameux terre-plein d’envol. Assise au sol, j’ajuste casque et lunettes de soleil en regardant mon moniteur s’équiper à son tour. Je suis ensuite placée devant lui, deux personnes me soulèvent pendant que la voile se gonfle et sans que je m’en aperçoive, me voici loin au dessus du sol, à plus de 1000m d’altitude !

 

Et là que dire ? Il n’y a pas à dire, tant à ressentir ! Plus rien en bas n’a d’importance : le fauteuil, les personnes, les soucis, l’avenir, rien. La seule chose à cet instant très précis, la seule et unique chose c’est ça. Cette sensation, cette liberté, cette distance, cette hauteur, cette vue. « Je ne marche pas mais au moins je vole ». Le bonheur. Ce n’était pas juste un délire puisque je l’ai vraiment fait. Pour une fois, je n’ai pas pensé, je n’ai pas réfléchis, j’ai décidé d’agir et de vivre pleinement. J’ai finalement eu raison puisque ça m’a apporté bien plus que je ne l’aurais soupçonné. Quant au handicap, il ne m’a même pas empêché de piloter alors oui vraiment, pendant quelques temps je n’en ai plus eu. Du tout.

 

L’atterrissage dans tout ça ? Je ne pensais pas que ce serait aussi doux : le pilote ayant repris les commandes nous a rapproché tout en douceur et je me suis retrouvée assise dans l’herbe comme une plume se pose au sol. Pourtant avec le poids humain plus le poids matériel, ça ne paraissait pas vraiment évident à première vue. Quant au lendemain, j’ai retrouvé l’effet que ça fait d’avoir des courbatures : au moment où j’écris ces lignes ça fait presque deux jours que j’ai rejoint le sol mais je peux vous assurer que mes bras se souviennent encore du pilotage !

 

Lorsque j’étais dans les airs, j’ai trouvé tout le temps qu’il me fallait pour profiter, savourer ces moments précieux. Malgré cela, une fois l’aventure terminée, j’ai du mal à me dire que j’y étais et que c’est déjà fini. Il y a à peine dix jours, si quelqu’un m’avait dit que je me retrouverais à faire ça si peu de temps après, j’aurais bien rigolé. Maintenant c’est fait et je n’ai qu’une envie : multiplier ces expériences là. Il existe tant de choses accessibles aux personnes en situation de handicap que j’ai largement de quoi remplir ma tête de souvenirs dans ce genre là. Alors non, mon fauteuil ne sera plus une barrière pour profiter à fond d’une vie que je compte bien enrichir tant que je le pourrai.

 

Ce qui a fait durer un peu le « package émotionnel », c’est l’excitation que j’ai ressenti après coup à la simple idée d’annoncer mon challenge (réussi) à mes proches et de poster l’article à propos. Comme tout cela a été exécuté sur un coup de tête, il n’y avait que trois de mes amis qui étaient au courant de mon projet, les ayant vus la veille de mon départ. La hâte sans doute de voir les réactions que susciteraient mon aventure et l’importance, la signification de ce chemin de pensées puis d’actions que j’ai mené. Mais autant demander directement aux intéressés : que pensez-vous de tout ça ? Si vous pouviez faire une chose un peu folle là tout de suite maintenant, que serait-ce ? Et qu’est-ce qui vous en empêche ?

 

Et pour ceux qui seraient tentés de vivre un moment comme ça avec une équipe au top, je ne peux que vous conseiller Aeroslide qui ont fait de cette lubie soudaine un souvenir bien réel ! (Pour aller sur leur site internet, cliquez sur leur nom ci-dessus)

 

 

8 commentaires sur “Handicap’et alors ? Faire du parapente

  1. Super!!

    Que tu as raison au tant avec ta phrase De Jaques Brel que ta reprise du cercle des poètes disparus!!

    Je suis ravie que tu l'ai fait et que tu te sois éclaté!!

    Moi je voudrais faire un saut en parachute. Ça va venir pas tout de suite parce que je n'ai absolument pas les moyens mais je sais que je le ferais.

  2. C'est absolument génial, tu me donnes envie de faire de même là !
    La prochaine fois que j'en aurai l'occasion, je foncerai, et j'espère que ce sera très vite (même si, bon, je ne connais pas grand monde habitant à la montagne…).
    Et le coup du coussin d'atterrissage, ce serait aussi parfait pour moi, ça m'épargnerait les genoux à l'atterrissage 🙂

  3. Merci ! 😀
    Oui, fais le ! Mets un peu de côté tous les mois et vas-y ! Perso ce n'est pas quelque chose qui me tente mais j'ai d'autres idées et je vais essayer de ne pas trop me freiner avec ce qui peut être résolu.

  4. Ouaaaa tu as sauté en parapente!!!!! Trop ouf!!!! C'est cool pour toi, tout ce que ça t'as apporté, tu as raison il faut vivre s'en regretter. J'ai seulement (ou déjà???) 27 ans et je regrette plein de chose, alors fonce!!!!
    Mon rêve tu le connais : le Japon ^^ Dernièrement il c'est un peu agrandis, j'aimerais faire un tour de l'Asie (Japon, Corée, Chine où l'on m'attend…). Beaucoup de chose nous empêche de faire les choses, la vie tout simplement (métro, boulot, dodo… Comme dirait une chanson), je suis heureuse de voir que tu as dépasser tout ça, profites en à fond!!!!!

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