« J’aurais été toi, je me serais tiré une balle ! »

 

Ce midi je discutais avec un paraplégique « de longue date » et nous évoquions certaines énormités que nous entendions régulièrement. La numéro 1 est celle-là « J’aurais été toi, je me serais déjà tiré une balle dans la tête !« , justifiant bien souvent le courage que nous inspirons à la personne en question.

 

désespérant

 

Bien. Tout d’abord, sachez messieurs dames, que certaines personnes « courageuses » risquent d’en avoir tout autant à faire preuve de violence envers vous pour répondre à cette phrase. Nous pouvons être compréhensifs et patients, mais pas tous et pas sur tout. Si vous ne comprenez pas, attendez : je vous explique.

 

« J’aurais été toi, je me serais déjà tiré une balle dans la tête ! » Déjà non, vous n’êtes pas nous et ensuite vous ne pouvez absolument pas savoir comment vous auriez réagi ou comment vous réagiriez en tant que personne handicapée. Lorsque l’on vous lance un ballon vous ne savez pas toujours si vous aurez le réflexe de le rattraper n’est-ce pas ? Il y a des choses et des réactions qui ne se prévoient pas, c’est comme ça. Maintenant appelez cela comme vous le voudrez : instinct de survie, soif de vivre ou défi, nous sommes là et ce n’est pas un exploit.

 

Oh c’est vrai que ce genre de changement de vie nous renforce, nous fait voir la vie autrement, nous montre que nous sommes bien plus capables que nous le soupçonnions et met nos nerfs à rude épreuve mais ce n’est pas un miracle. C’est le propre de l’Homme et de n’importe quel autre être vivant que de faire ce qu’il faut pour « se sentir bien ».

 

Mais revenons-en à notre magnifique phrase.

 

« J’aurais été toi, je me serais déjà tiré une balle dans la tête ! » Mais ça veut dire quoi ? En quoi est-ce si incroyable de nous voir encore là : à vos yeux notre vie vaut aussi peu la peine d’être vécue ? Allez leur dire cela à eux (cliquez sur l’image pour la voir en grand)

 

handicap célébrités

 

Toute vie vaut la peine d’être vécue. Et si celle-ci ne nous convient pas, il nous appartient de l’abandonner mais pas forcément parce que nous sommes paraplégique, SEPien, amputé, ou tétraplégique… Non, parfois certains abandonnent pour des raisons aussi diverses que ce soit possible : une perte de travail, une perte amoureuse, une perte de logement et oui peut-être parfois une perte de mobilité. Alors quelle différence entre un acte de désespoir accompli par un valide et celui accompli par un non valide ? Est-ce plus « normal » pour un non valide ? Allons, le résultat est le même. Bien sûr que le handicap peut être une raison nous semblant valable pour en finir, mais c’est aussi bonne une raison de se battre…

 

Et puis cette maladresse ! Dire à une personne qui se bat quotidiennement qu’elle ne devrait finalement pas faire tant d’efforts. C’est vrai qu’il serait facile de tout laisser tomber. Et puis ? Est-ce comme ça que l’on cochera les éléments de cette liste que chacun avons dans un coin de la tête : cette liste des « choses à faire » (un jour) ? D’accord on laisse tomber mais il n’y a rien : il n’y a pas de soulagement, il n’y a rien. Alors est-ce que ça, ça en vaut la peine ?

 

En réponse à ce « J’aurais été toi, je me serais déjà tiré une balle dans la tête ! » je répondrai ceci : si après avoir mesuré tes paroles, tu restes sur tes dires, j’espère vraiment que de ta vie il ne t’arrivera rien de fâcheux car tu ne lui donne décidément que peu de valeur. Et c’est dommage.

 

 

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6 commentaires sur “« J’aurais été toi, je me serais tiré une balle ! »

  1. J'aime tellement cette phrase! Je trouve ça tellement un manque de tact puis tu as raison même si je n'y avais pas pensé ce n'est pas donner de la valeur à la vie.
    Très intéressant.
    Allé hop je partage!

  2. la vraie vérité est que nous ne pouvons absolument pas prévoir comment nous réagirons devant certaines situations imprévues et grave de la vie. Cela concerne l'accident, le handicap certes mais aussi les gens qui sont touchés indirectement.
    Parce qu'à nous aussi on nous dit ce genre de phrase! étonnant non?
    Mais effectivement, quelle qu'elle soit, la vie qu'on veut bien se construire vaut la peine d'être vécue. La vie est belle. Le ciel est bleu. Le soleil brille et réchauffe. La Nature est extraordinaire. Le tout est de le/la voir…..
    JFr. ClearVador

  3. Je découvre votre blog. Mon fils est tétraparétique ( = tétra avec pas mal de mobilité) depuis un accident de ski. Des conneries comme celle que vous dénoncez, qu'est-ce qu'on en a entendues ! Il enrage quand on le félicite pour son "courage" ou sa "volonté" qui, d'après les gens, lui ont permis de regagner de la mobilité. "Et mes copains qui n'ont pas évolué, alors, c'est par manque de volonté ou de courage ? ". Idem pour les fans de Schumacher: "il s'en sortira parce que c'est un battant"… Ben non, rien à voir: ça dépend uniquement de la lésion, pas du caractère…

    Bon, à part ça, un truc que j'essaie de faire connaître dans le monde handi: mon fils utilise pour se déplacer un segway ("giropode personnel"), ce petit engin à deux roues qui s'équilibre lui-même. Il ne faut pas avoir beaucoup d'équilibre, mais savoir se tenir debout et monter et descendre une marche ( pour monter dessus ou en descendre). Je crois que c'est peu connu dans le monde handi, ça coûte à peu près le prix d'une chaise électrique (le sien est remboursé par la sécu belge). Avec ça il traverse les USA…Ca peut changer la vie de certains. voyez son site: www. segwaytravellers.com. Avec amitié ! GS

  4. Et moi qui te sort des "courages" et des "bravos"… Je ne pensais vraiment pas que cela puisse être interprété de façon négative. En étant valide on ne perçoit pas toujours la repercussion d'une simple phrase ou d'un simple mot qui pour nous et dans l'esprit de donner du positif… Mais je suis tout a fait d'accord sur le fait que personne ne peut savoir comment il va réagir face a telle ou telle situation, on peut essayer de se l'imaginer mais cela s'arrête la.

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