Il arrive parfois que nous retombions sur des choses étonnantes en faisant du rangement. Ainsi me suis-je trouvée il y a quelques jours face à un texte sur les chaussures que j’avais écrit début 2010 : une éternité par rapport à aujourd’hui, soit plusieurs vies en amont. Pourquoi vous en parler ? Déjà parce qu’il traite d’un sujet somme toute très banal qui touche pourtant le handicap de façon insoupçonnée. Ensuite parce que cela fait bientôt plus de deux semaines que j’en cherche désespérément une paire ! Alors nouvelle question, pourquoi est-ce si fastidieux ? Et c’est là que je trouve intéressant d’allier le « moi d’avant » et celui de maintenant. La personne valide et celle en fauteuil, celle de 18 ans et celle de 22 ans. Ça vous intéresse aussi ?
Alors allons-y !
« Les chaussures : elles nous accompagnent tous les jours, véritables amies qui partagent la mémoire de beaux paysages, elles sont à nos pieds ce que les coussinets sont aux chiens. Elles traversent des contrés plus ou moins éloignées, nous protégeant des gros cailloux et laissant passer les plus petits, ceux qui nous apprennent la vie. Les vraies chaussures, ce sont ces vieux souliers d’écoliers qui ont sautés dans les flaques, courus dans les champs, marché sur les chemins, grimpé dans les arbres et vécu toutes sortes d’aventures.
Chaque chaussure a son utilité, comme une personnalité unique:
Les chaussures à talons, ces séductrices qui font rêver mais qui sont si coquines ! Un petit trou, un petit pavé, et ce dernier se retrouve devant votre nez en moins de temps qu’il n’en faut pour faire un pas devant l’autre. Les baskets, témoins de vos plus beaux exploits sportifs comme de vos plus beaux ratés, tantôt chères quand elles abordent une marque tantôt à trois francs six sous pour vous prouver qu’elles aussi peuvent vous voir grandir (quel qu’en soit le sens). Les chaussures de randonnées ou toutes bêtes: celles qu’avant, moins sophistiquées alors, on appelait « les bonnes vieilles godasses », elles aventureuses, elles si riches en souvenirs. Celles-là sont les meilleures, ce sont elles qui nous accompagnent en voyage, qui découvrent avec vous les plus belles images, qui rencontrent toutes sortes de choses que certaines autres chaussures ne connaîtront jamais. Et puis… Il y a aussi les sandales et les bottes, nos copines qui nous annoncent les vacances d’été ou bien Noël, il y a les sabots du jardin, campagnards qui n’ont peur de rien, et tant d’autres encore.
Alors maintenant, ne demandez plus pourquoi l’on met autant de temps à choisir une paire de chaussures dans le magasin: les cadres photos se choisissent avec soin afin qu’ils mettent en valeur le cliché qui leur est destiné, qu’ils s’accordent avec le salon et qu’ils soient pratiques n’est-ce pas? Et bien les chaussures, c’est pareils. Il fait choisir avec soin ses camarades de jeu, ses protectrices et exploratrices de la vie… »
Ainsi donc en étant valide, le choix des chaussures ne se faisait déjà pas sans peine (être une nana n’arrangeait sûrement rien non plus !) alors imaginez ce que c’est désormais…
Oh je sais bien ce que vous vous dites, je suis moi aussi tombé dans le panneau : l’avantage de ne pas marcher c’est qu’au moins, pas de risque de les user. Naïve que je suis ! Je dois reconnaître que le dessous de la semelle est épargnée, mais concernant le reste…Laissez moi vous donner quelques cas de figures, histoire de vous éclaircir :
- Votre ou vos jambes ne fonctionnant plus ou mal, il arrive qu’un pied glisse et se retrouve à traîner par terre abîmant ainsi votre sandale en cuir toute neuve. Parfois, la patte folle se coince entre deux portes, dans le cale-pied du fauteuil ou sous une barre de lit… Et qui dit pied chaussé dit : habits de ce dernier bien endommagés !
- Si vous souffrez de spasticité (ce qui est souvent le cas : ça fait partie du « package handicap »), c’est au moment où vous souhaitez plier la jambe pour la rentrer dans la voiture qu’elle se raidit traîtreusement vous obligeant à forcer et lutter, quitte à coincer la chaussure contre la portière du véhicule. Au bout d’un certain nombre de ce genre de mésaventure (fréquente), vous vous doutez bien que la dite chaussure finira par se tordre, s’accrocher, s’arracher…
- Lorsqu’enfin vous vous déchaussez, ne le cachez pas, vos chaussures ne sont pas toujours rangées de façon à ne pas gêner. Résultat, il arrive que vous ne les voyiez pas se glisser vicieusement sous vos roues, les écrasant ainsi royalement (le pire étant le fauteuil électrique.)
Et je n’irai pas plus loin, vous m’avez compris ? Car si vous m’avez comprise, vous commencez à entrevoir l’une des raisons pour lesquelles le choix des chaussures nous est si difficile. En effet, nous n’irons pas mettre un prix trop élevé dans une paire qui sera maltraitée à longueur de journée puis remplacée quelques mois plus tard.
Résumons : l’objet de nos désirs doit nous plaire, correspondre à nos activités (on oublie les tongs qui ne tiennent pas), être robuste et à un prix abordable.
D’accord, mais rappelez-vous : chaque handicap est unique. Par exemple en ce qui me concerne, il faut une fermeture facile à mettre et à enlever à cause de mes doigts défaillants. Pour quelqu’un qui possède certains problèmes moteurs ou mentaux (concentration par exemple), il faut des facilités pour les enfiler. Pour ceux qui font des transferts, des semelles qui ne glissent pas. Etcétéra, etcétéra.
Conclusion ? Je crois que pour cet été, je vais abandonner ma quête et garder mes bonnes vieilles sandales aux semelles dédoublées et aux talons affaissés. J’ai des défis quotidiens plus importants à relever que de courir (enfin…rouler) après des chaussures qui ne feront qu’agrandir la liste des martyrs (paix à leurs âmes robustes). J’attendrai que Bonne Fée se ramène avec sa baguette (et mes chaussures.)
Je suis pas très objective, niveau qualité je trouve ça pourri au même titre que tout ce qu'ils proposent Confused