Il y a quelques mois, une personne m’a dit que parfois, j’essayais d’oublier que j’avais un handicap. Que je semblais vouloir faire comme si je n’en avais pas. C’est une observation qui m’a donnée à réfléchir, et donc à comprendre. Comprendre que si ces mots me décrivaient parfaitement il y a quelques années, ils n’étaient plus aujourd’hui tout à fait pertinents je crois.
Se tolérer, puis s’accepter, et s’aimer enfin.
D’abord je « n’essaye pas » d’oublier : j’oublie. La vie avec le corps que j’ai à ce jour est devenue ma normalité, mon quotidien. J’avais toujours dit que je ne m’habituerai jamais au handicap, forcée de constater que j’avais tort. Ma zone de confort comprend le fauteuil, et ça ne m’angoisse même plus, je n’y peux rien. Moins je me bats contre ça, plus je suis à même de m’accepter telle que je suis, pour ce que je suis, entièrement. Il y a une différence entre le fait d’accepter le handicap, et de s’accepter soi. Si le premier me hérisse le poil, le second est un indispensable qui inclus pourtant bien l’autre. Finalement, mon corps d’aujourd’hui et celui de ma mémoire de valide cohabitent.
Alors c’est vrai qu’il m’arrive encore de penser « Tiens ça, ça n’aurait pas été un problème si je n’avais pas été en fauteuil » mais de plus en plus rarement il me semble. La contradiction perdure en moi c’est certain. Je continue à parfois, sans en prendre conscience tout de suite, me projeter dans l’avenir avec des images dans lesquelles je suis debout. Je continue à être sur mes deux jambes dans mes rêves aussi. Mais il n’y a plus de regret ou de ressentiment, comme si enfin j’acceptais ces deux parties de moi comme étant ce qu’elles sont : indispensables
Quand sérénité et doutes cohabitent occasionnellement.
Maintenant je sais pertinemment que ce discours demeure hésitant. Peut-être que je me voile la face, que d’un regard extérieur ces affirmations ne sont pas du tout crédible, qu’en sais-je ? Est-ce que j’essaye vraiment de faire « comme si » ? Est-ce seulement possible ? Mon indépendance peut donner cette impression il me semble, lorsque je m’agace face à quelque chose que je ne parviens pas à faire, ou face à une situation que je ne vivrais pas sans le fauteuil telle que la chute (dont je ne peux me relever seule). Mais ma colère n’est pas liée au handicap lui-même, il est plutôt lié à mes actes. Je n’aime pas échouer quand je sais avoir les capacités qu’il faut pour que ce ne soit pas le cas.
Imaginez-moi enfant, et valide de ce fait : C’est comme si les gens pensaient que je déteste mettre des chaussures parce qu’un jour ils m’ont vue m’énerver sur mes lacets. Alors que le problème venait seulement du fait que cette fois-là en particulier, sans trop savoir pour quelles raisons, j’avais dû m’y reprendre à trois fois avant de faire de jolies boucles alors que d’habitude je les réussissais d’un seul coup.
Alors certes c’est un exemple bien léger et je mentirais d’écrire qu’il ne m’arrive pas de vouloir renier le fauteuil. Surtout lorsque je suis avec des personnes qui ne m’ont pas connue avant mon accident. Comme si je me sentais encore vaguement de devoir prouver quoi que ce soit. Et par peur de faire peser ou faire subir mon propre handicap sur quelqu’un d’autre que moi. Mais je dirais que c’est avant tout une histoire de caractère.
Colère apaisée, culpabilité déviée.
Je me suis aperçue il y a peu d’une nuance intéressante. En fait lorsque je perds aujourd’hui patience, ça n’est plus tourné vers le fauteuil, mais bien vers l’objet véritablement coupable. Si je me prends les roues dans un tapis, la faute ne reviens plus au handicap, ce qui était pourtant ma pensée réflexe, mais juste à « ce fichu vieux tapis qui traîne. » Dolores (fauteuil ayant succédé à Albert) n’est plus une ennemie, elle est là, point.
Et tandis que je me relis, je prends conscience du chemin parcouru, du travail réalisé tant physiquement que psychologiquement. Plus que « s’habituer », on « s’adapte », et en cela l’Être Humain est une machine surprenante. Le bonheur comme le malheur, ne dépend plus de mon handicap désormais, mais bien de tous ces autres paramètres de la vie auxquels est confronté chacun d’entre nous.
Sur ces réflexions mon Optimiste, je te laisse sans autre conclusion. Mon chat demande à monter sur mes genoux pour faire un câlin, et si tu voyais ses grands yeux verts plein d’amour, tu saurais que je ne peux lui dire non. Or écrire avec une grosse boule de poils dans les bras, ça n’est guère pratique…
Chouette article comme d’habitude !(oui ca fait longtemps que je n’ai pas commenté mais me revoilà !!!!)
Signé par une plume rose ;p
Tout volatile au plumage coloré est le bienvenue ici <3