Il est 3h du matin. 3h07 et j’écris plutôt que de dormir. Mes bras me font un mal de chien. Dans deux jours, ça fera sept ans que je suis en fauteuil.
Comme à chaque fois, j’avais oublié la date approchant. Jusqu’à ce que quelqu’un me la rappelle. C’est drôle, après mes vingt-cinq mois de rééducation, je me disais que je remarcherai soit l’année des cinq ans, soit celle des sept. Je ne sais pas trop pourquoi. Et voilà venir comme la dernière chance. Alors qu’elle pointe à peine le bout de son aube, je me rends compte que ces derniers temps, lorsque l’on me demandait quels étaient mes souhaits ou mes objectifs à long terme, « marcher » n’était plus ma réponse première. Ce réflexe a disparu. Le vœu certes pas, mais disons que celui de me construire telle que je suis prime aujourd’hui. C’est à la fois apaisant et terrifiant.
Oui c’est ça, j’ai peur. J’ai compris que ça n’était pas un abandon de cette envie qui m’habitera à jamais, mais que cela reste néanmoins un beau coup de pieds dans mes raisons de vivre. Je ne me lève plus chaque matin en pensant devoir me battre contre quelque chose et ça laisse un vide gigantesque. En ce moment je me lève quand j’ai quelque chose à faire, quand j’ai quelqu’un à voir, quand j’ai quelque part où aller. Autrement je peine. J’avais oublié ce que c’était qu’une grasse matinée.
En décembre dernier, une bonne partie des images du blog ont disparues pour une explication que personne n’a encore trouvée. Alors je dois tout reprendre. Depuis le début. 2014. Fatalement en ré-illustrant, je relis également. Les écarts de mes ressentis écrits entre les différentes périodes de mon handicap sont aussi drôles qu’ils sont choquants presque. Je constate des avancées phénoménales de mes capacités physiques, mais je note également les défaillances qui apparaissent avec le temps et me freinent désormais.
Il y a une côte pas loin de chez moi. En mai 2019 j’y passais encore presque une fois par semaine sans que ça me pose problème. Depuis septembre, mes épaules et mes bras me font tant souffrir en silence que je me retrouve dans l’incapacité d’aller où bon me semble. Ce doit être pour ça aussi, entre autres choses, que je me retrouve tant partagée entre l’envie de partir ou non. Serais-je capable de faire du 9h/20H non-stop comme nous le faisions à New York ? J’en doute. Et pourtant ça n’était qu’il y a 4 ans. Je ne suis pas une personne âgée qui a vécu toute une vie.
Il est vrai que j’ai condensé. J’ai fait tant de folies ces dernières années. Alors est-ce de ma faute ? Est-ce celle de mon matériel qui n’est plus aussi efficace ? Ou suis-je condamnée à régresser tant que je serai dans ce fauteuil, dans une position qui ne m’est pas bénéfique ? J’essaye de ne pas y penser, aussi vain que cela soit.
Sept ans. Je ne sais pas si j’ai envie d’un gros câlin ou si j’ai envie qu’on me foute la paix. Suis-je triste ?
À l’instar du chiffre 3, j’ai toujours vu le 7 comme étant une étape. J’ai d’ailleurs 27 ans, à 3 ans de la prochaine dizaine. Le cerveau nous fait de sacrés nœuds parfois…
Ce qu’il y a de rassurant, c’est que je n’en suis plus à me demander à quoi ressemblerait ma vie sans « tout ça ». Je crois que ça m’est devenu complètement égal. J’ai tellement changé en si peu de temps. Des gens lisent mon livre, mon histoire, mais ça n’est déjà plus moi. Parfois je parcoure un vieil article et je le vois bien, que ça n’est plus le reflet de ma réalité. Lorsque j’expliquais le temps, les difficultés que pouvait me prendre le fait de me lever ou de me coucher par exemple, et que je regarde qu’à ce jour c’est devenu un acte tellement banal que je n’y fais même plus attention, ça remettrait presque en cause tout le blog. Car enfin une personne tout juste arrivée, doit-elle se fier à l’aspect compliqué, écrit il y a un moment, étant donné que je ne publie pas d’articles juste pour dire « C’est bon, je m’habille en cinq minutes comme tout le monde maintenant ! »
Sept ans. Alors que je m’étais donné tout juste sept mois au départ, pour reprendre là où je m’étais arrêtée.
Il est 3h du matin. 3h51 et j’écris plutôt que de dormir. Parce que c’est ce que j’ai toujours fait quand dans ma tête, ça ne tourne pas rond. Dans deux jours ça fera sept ans que je suis en fauteuil.
C’est intéressant de lire tes émotions et réflexions sur tout le chemin parcouru au fil de ces années. Prend bien soin de toi. A bientôt je l’espère ?
Bel article
Il y a des dates comme ça qu’on oublié pu que l’on croit avoir oublié et qui se rappelle à vous et commence alors la phase de bilan de doutes de peurs…
Je ne peux rien te dire car je rois que dans ces cas là on est seul avec soi et c’est important.
ah ben zut alors……. Bon ben nous on est là mais évidemment nous ne pouvons pas remplacer ce qu’il te manque et c’est très dommage. Courage ma belle. gros bisous
Je vous embrasse très chaleureusement.
Je t’envoie tant d’amour