Une nana en fauteuil au festival de musique du Printemps de Bourges

 

La semaine dernière, c’était le Printemps de Bourges, premier festival de musique de l’année. Et pour moi premier festival de musique en fauteuil.

 

Printemps de Bourges 2016

 

Ce ne fut pas toujours très facile, parfois même assez épique, mais je ne regrette pas car même les moments pendant lesquels j’ai galéré sont de bons souvenirs. Mais passons l’intro, je vous fais rentrer dans le vif du sujet.

 

  • Le festival

Contrairement à ce que certains pensent, il n’y a pas « juste » de la musique qu’on est
festival musique même pas sûr d’aimer et rien d’autre à voir ou à faire. On peut tout à fait y aller sans assister au moindre gros concert parce qu’autour il y a en fait tellement de choses ! Il y a des expositions, des artistes de rue (peinture, acrobaties, cracheurs de feu…) et des vingtaines de stands sont installés aux alentours des chapiteaux musicaux : des commerçants qui vendent des articles en cuir, des T-shirts originaux, des bijoux ethniques, des objets artisanaux, des lunettes de soleil de toutes les formes, des produits de la région ou d’une autre… Il y a aussi ceux d’organismes qui présentent leurs activités ou qui sponsorisent des artistes ce qui est le cas d’EDF, Blablacar, la sécurité routière, les produits laitiers… Les plus fréquentés restent cependant les stands de nourriture, les mêmes que l’on trouve dans les fêtes foraines : chouchous, barbes à papa, crêpes au mètre, kébabs, hamburgers « à la française », nourriture de tous les pays, bars…  Et puis bien sûr, il y a les petites scènes ouvertes disséminées un peu partout sur lesquelles les groupes de tous les styles s’enchaînent, professionnels ou amateurs. Libre à vous de vous arrêter les écouter plus attentivement ou de continuer votre chemin en ne leur laissant la place que de fond musical. L’ambiance y est donc festive et même si la pluie s’est parfois invitée sans crier gare, toute cette agitation, tous ces gens dehors et toute cette musique donnaient un avant goût de vacances d’été.

 

En fauteuil le terrain n’était pas toujours bien pratique, mais pour se promener je crois que finalement le plus embêtant était la foule. Se faire voir ou entendre quand on fait la taille d’un gamin de huit ans et que l’air résonne au son des guitares et des voix de chanteurs n’était pas une mince affaire. Certains stands avaient été montés sur de mini-estrades. Mini, mais déjà bien assez hautes pour empêcher mon fidèle destrier de m’emmener voir de plus près les objets vendus. Car c’est une chose de monter dessus, s’en est une autre d’avoir la largeur suffisante pour avancer, reculer ou tourner. Heureusement, la majorité n’en avait pas et les seuls soucis liés aux stands venaient de leur étroitesse, de leurs articles (porte-manteaux dans le passage ou manèges à bijoux en équilibre), parfois de la hauteur du comptoir. Mais en règle générale ce ne fut pas si problématique : à part un ou deux étalages que je ne pu voir, pour le reste, il suffisait de faire un peu attention, d’être patient pour se frayer un chemin entre « les debout » et de ne pas hésiter à demander un coup de main au commerçant pour voir telle ou telle chose de plus près ou pour qu’il nous libère un bout de passage.

 

Pour ce qui sont des toilettes, je fus agréablement surprise : il y en avait des adaptées à des endroits stratégiques. Pas aussi nombreuses que les toilettes normales c’est sûr, mais dispersées de façon réfléchie pour qu’il y en ait dans chacune de parties du festival. Bon, ça restait des toilettes dans des pré-fabriqués, utilisées par une trentaine de personnes à l’heure mais hé ! Au moins avaient-elles le mérite d’être là et puis on ne va pas attendre du quatre étoiles dans ce genre de manifestations n’est-ce pas ? Si j’avais juste une chose à leur reprocher, c’est qu’elles n’étaient pas toutes pourvues de poubelles. À part ça…

 

Même si je me suis faite avoir une ou deux fois par manque d’attention, en réalité, la signalétique n’était pas mauvaise. Peut-être un peu légère parfois mais il y avait quand même de quoi se repérer : plans sur papier, plans affichés, panneaux et pictogrammes. Si risque de ne pas trouver les WC adaptés il y avait, c’était le soir, quand il faisait sombre et que la foule se faisait plus importante, l’heure des grands concerts arrivant (ou les lendemains de nuits blanches très courtes, par fatigue et décalage)

 

  • Le concert

Comme cette année j’assistais à mon premier concert depuis que je suis en fauteuil, j’avais décidé de n’en faire qu’un, « pour voir ». Nous étions cinq à y aller ensemble (j’étais la seule handi) et sans organisation aucune, trois se sont retrouvés à faire la queue avec tout le monde et le quatrième se mis avec moi à la recherche de l’entrée pour PMR (Personne Mobilité Réduite) de la zone de concert comprenant le grand chapiteau, les stands de pause boissons/nourritures, les toilettes… Si les indications pour les WC étaient nickel, celles pour ce passage quand on a pas de plan étaient clairement insuffisantes. C’est donc avec les explications d’un gars de la sécurité qu’on réalisa avec désespoir avec flemme avec étonnement que si je voulais rentrer sans avoir à subir la foule, il fallait que je fasse tout le tour (heureusement que j’étais en fauteuil électrique et qu’il n’y avait donc pas besoin de me pousser !) soit dix minutes de marche en contre-sens.

Loin d’abandonner, nous voici donc tous les deux à rejoindre la dite entrée nous faisant arriver à droite du chapiteau (détail important) Une fois les autres retrouvés, une fois avoir bu un coup et une fois près à aller s’exploser les timpants avec plaisir, nous voici à chercher la plateforme pour les gens sur roues (en festival, on passe décidément beaucoup de temps à ça, « chercher ») parce que clairement, si je n’étais pas surélevée je n’avais de vu que sur les projecteurs, des morceaux de grands écrans et des forêts de fesses dansantes. C’est plus sympa de voir les artistes quand ils performent quand même : certains en tout cas… Là encore, peu d’indications, merci le monsieur de la barrière pour nous montrer le chemin et là, grosse blague n°1 : L’endroit réservé aux handi est à gauche du chapiteau. Soit à l’opposé de là d’où on arrive. Obligés donc soit de faire (encore) tout le tour en slalomant entre les gens, les détritus, les stands, soit de couper à travers la marée humaine. Et bien heureusement que je n’étais pas seule et que j’avais les copains pour « ouvrir » la mer la route parce que je ne sais pas trop comment j’aurais fait autrement (bon en même temps on va rarement à un concert seul…)

Après une multitude de « pardons, oups, excusez-moi, pardon, désolée, excusez-moi » nous voilà donc devant la terre promise. Et là le vigile qui s’en occupe nous sort la grosse blague n°2 : « la personne en fauteuil n’a le droit qu’à un accompagnant ». Donc, quand on est en fauteuil, c’est comme au cinéma, on a le droit d’avoir qu’un ou deux amis. Après, je comprends que ce soit pour des soucis d’espace, mais à ce moment là, il n’y avait que quelques personnes, rendant l’emplacement assez… vide… C’est pas parce qu’on est handi qu’on a pas le droit de faire la fête avec ses potes comme tout le monde. Suite à de longues négociations, le gars fini par laisser passer les trois « en plus ». Au début il ne voulait pas que l’on bouge de trop, pour ne pas attirer l’attention. Et puis voyant qu’on s’amusait, comprenant qu’être à un concert comme si on était assis à regarder une pièce de théâtre est impossible et constatant que ma « situation » ne m’empêchait pas de  danser, il abandonna de nous dire quoi que ce soit. Nous ne gênions personne.

 

Cela dit, nous n’y sommes du coup pas restés si longtemps, une heure ou deux tout au plus. Nous avons fini par descendre et même si je ne voyais pas ce qu’il y avait à voir, j’entendais ce qu’il y avait à entendre et je profitais du fait de m’éclater avec ceux qui étaient avec moi. Je crois que c’était alors ça l’essentiel.

 

  • Les gens

J’ai été agréablement surprise par les gens : était-ce l’ambiance légère du festival qui fait
free hugs qu’il n’y avait pas de prise de tête ? Toujours est-il qu’ils étaient souvent prévenants sans pour autant en faire de trop et c’était plaisant. Bon, il y a eu des exceptions : de la dame qui râle parce qu’on la pousse gentiment alors qu’elle ne daignait pas se décaler pour me laisser passer, au mec bourré qui me demande vingt fois si j’ai besoin d’aide (quinze si je suis sûre) en passant par le black qui me dit « qu’entre minorités il me comprend » et les personnes qui, voulant à tout prix se rapprocher de la scène, s’imaginent qu’ils peuvent me pousser (80kg de fauteuil + les miens, bon courage !) . Cela dit, j’ai trouvé que la bienveillance émanait davantage des jeunes (et oui !). Peut-être par solidarité d’âge ou peut-être parce qu’une handi qui fait la fête ça choquait les plus vieux je ne sais encore pas, mais le constat est là. Ce qui m’a le plus amusé, c’est l’étonnement dans les regards que je croisais. De ceux qui semblaient dire « Waw elle est là comme moi, même avec son fauteuil » (ah oui, le fauteuil, j’avais presque oublié un instant !) Paradoxalement, ça me donnait l’impression d’être comme tout le monde et j’étais fière de voir que ça les surprenait parce que ça prouvait qu’ils s’en rendaient compte que finalement, la seule chose qui nous différenciait était que j’étais assise et eux debout.

 

Quelle conclusion à cela, j’ai déjà tout écris. À part que l’année prochaine, je recommencerai !

 

 

4 commentaires sur “Une nana en fauteuil au festival de musique du Printemps de Bourges

  1. J'ai découvert ton portrait dans le Berry. Je suis bluffé par ta plume pleine d'humour et de second degré. Tu es une véritable leçon de vie pour nous les chanceux valides que nous sommes.La prochaine que j'irais a un concert et pour plein d'autre choses du quotidien je me rememorerai ton récit.Signé un mec de 31 ans qui se plaint trop souvent.

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