Lorsque j’ai eu mon accident, j’ai été rapidement mise sous respiration artificielle. Un gros tube qui va de la bouche aux poumons et des machines qui font bip-bip même la nuit. Je t’ai parlé de tout l’aspect pratique dans cet article JUSTE ICI. Les premiers jours donc, ça ne me gênait pas vraiment puisque j’étais dans le coma, et oui. Mais à mon réveil, être dans l’incapacité de prononcer un mot s’est vite avéré compliqué. Ce silence que je n’ai pas choisi de garder me plongeait dans une détresse émotionnelle certaine. Et aujourd’hui j’ai décidé de te parler de l’aspect psychologique de ces quelques semaines qui m’ont alors paru si longues. Et des conséquences que ça a eu sur… mes habitudes ? C’est parti !
« Est-ce que quelqu’un m’entend ? »
La parole est la forme de communication la plus utilisée. Elle nous sert à partager tant des mots positifs et joyeux que des mots tristes et durs. Elle nous permet de rester en lien les uns avec les autres. C’est un outil indispensable à rendre réels nos ressentis, émotions et sentiments.
Toutefois privée d’elle, les solutions sont aujourd’hui multiples pour palier son absence. Écrire bien sûr, mais que ce soit avec un stylo ou avec un clavier, sur papier ou à travers un écran, par carte, lettre, e-mail, commentaire, pouce en l’air ou smiley en colère. Le langage signé a également été bien développé, sans parler des gestes universels que n’importe qui peut comprendre par mimes simplistes.
Seulement je n’avais rien de tout ça. Mes doigts ne fonctionnaient alors pas du tout, je ne pouvais utiliser aucun objet technologique. Ma force misérable quant à elle ne me laissait qu’à peine faire quelques gestes. J’étais en train de vivre un bouleversement incommensurable emprisonnée dans un silence forcé. Et dans ce silence je revois encore les visages familiers de mes proches inquiets à qui je ne pouvais rien faire comprendre. Ça les déstabilisait tant ! L’expression des yeux certes, mais elle a des limites, beaucoup de limites. Les masques devenus obligatoires pour limiter la pandémie actuelle peuvent au moins te faire vérifier ce point-ci.
Même si je n’étais pas habituée, de mon état dit « valide » à m’épancher sur mes émotions, surtout dans mon noyau familial, il y a de violentes vagues dont on ne peut guère se cacher. Il a toujours été relativement facile de deviner mon état d’esprit. Il se lit sur mon visage comme dans un livre illustré pour les enfants paraît-il. Mais avant j’essayais de planquer le texte de ses pages, n’assumant pas que l’on puisse voir comment j’allais sans avoir à me le demander. Je ne voulais pas être réduite à ces considérations basiques. Comprenez là aussi les limites du-dit livre ! Quelqu’un qui pleure n’est pas forcément triste, quelqu’un en colère ne l’est pas forcément contre vous. D’ailleurs, quelqu’un qui sourit prend sa vie comme le verre à moitié plein qu’elle est d’accord, mais n’oublions pas que la moitié vide existe malgré tout. Ces nuances ne se voient pas, comme un livre d’enfant ne contiendra jamais de textes très longs au vocabulaire compliqué.
Poser des mots pour (faire) exister
Bref, il y a donc bien des émotions qui ne peuvent passer que par une communication verbale, ou au moins écrite. Certaines personnes ont du mal avec ça, ce fut mon cas (léger) à une époque. Seulement là c’était trop grave, trop dense. Ça prenait trop de place dans mon cœur et dans mon esprit, pour que je puisse supporter le silence. J’avais l’impression de me noyer, de voir les bouées au loin, mais de ne pas réussir à les atteindre. [Une amie handi qui a vécu une situation similaire, parlait de s’être sentie piégée dans sa tête.]
Ne pas pouvoir dire « J’ai mal, j’ai peur ».
Ne pas pouvoir dire « Merci ».
J’ai compris alors quel don précieux nous avions de pouvoir mettre des mots sur de l’impalpable et de créer du lien avec les gens qui nous entourent. Ce don qui peut nous être retiré du jour au lendemain (j’atteins mon maximum côté phrase dramatique là non ?). Et quoi qu’on fasse, le fameux « on ne se rend compte de l’importance de quelqu’un ou quelque chose qu’une fois qu’on le perd » prend tout son sens.
Être privée de prononcer un simple merci quand j’ai l’impression que mes proches sont juste en train de me sauver la vie, c’est frustrant. Et le mot est faible ! Cela dit, une fois que j’ai pu reparler, je ne me suis pas soudainement mise à verbaliser tout mon amour ou toute ma peur à qui voulait bien l’entendre. La communication, ça s’apprend. Avant de pouvoir rendre compte de ses émotions, encore faut-il avoir conscience de leur présence, de leur impact, d’être capable de les identifier… et de les assumer !
Verbaliser mais doser.
Aujourd’hui et après deux ans de « travail » que certains appellent de façon un peu cavalière « développement personnel », je suis capable de dire à une amie que je la trouve belle avec sa nouvelle jupe ou à un inconnu que son chien est bien dressé. Parce que je me suis rendue compte que rien ne va vraiment de soi, et que pour ceux qui veulent bien l’entendre, un compliment ça peut faire chaud au cœur. J’ai aussi trouvé les moyens d’exprimer le fait que je ne sois pas d’accord sans que ça ne se transforme ni en reproche ni en rancœur (quand je ne me suis pas levée du pied gauche du moins…)
Le problème c’est qu’une fois que l’on découvre les bienfaits de la verbalisation, il faut apprendre à doser. Déjà parce qu’effectivement, elle n’est pas toujours indispensable. Ensuite parce que tout le monde n’est pas à l’aise avec le fait de communiquer clairement sur ce qu’il se passe « à l’intérieur » (quand ce serait utile, entendons-nous bien). D’autres n’y voient tout simplement pas l’intérêt (la connexion à l’autre en serait un pas mal pourtant). Enfin, je reste convaincue que le silence a autant à nous apprendre que les mots (parlés comme écrits).
Je me souviens qu’à une époque je ne comprenais pas les personnes qui m’envoyaient un message après un moment passé ensemble pour me signifier à quel point ils l’avaient apprécié. Je trouvais inutile de le dire car ça me paraissait évident. Conséquence de quoi je n’accueillais pas vraiment le fait que l’on m’offrait simplement une dose supplémentaire de tendresse : dommage non ?
Le silence, les mots, ton mode de communication.
Tout ça pour dire quoi ? Pour dire que tout ce que nous avons ou recevons n’est pas infaillible ni éternel. Si demain je perds de nouveau la possibilité de communiquer, je sais que je serai rassurée d’avoir dit certaines choses à certaines personnes, comme je regretterai de ne pas les avoir dites à d’autres.
Je n’ai plus peur du silence, il est parfois doux et reposant. Il permet de ressentir pleinement l’instant et de faire passer des émotions autrement. Mais les mots peuvent être si précieux, si rassurants, et ils sont parfois si réfrénés…
Du coup si ça te dit, je te propose un petit exercice à la suite de cet article. En commentaire je t’invite à écrire comment tu te sens, là tout de suite maintenant. Tu peux te centrer sur toi-même, ou tu peux l’orienter vers quelqu’un. Ça restera là, dans l’univers optimiste et rose d’1parenthèse2vies, mais au moins tu les auras posés et peut-être que ça te fera du bien (c’est ce que je te souhaite en tout cas) ?
L’optimisme n’est pas donné à tout le monde mais quand tu essayes de le travailler, de le trouver et de l’entretenir malgré tout, il est salutaire et te permet d avancer dans la vie si compliquée parfois… En ce moment précis, les mots sont : « fatiguée mais pleine d’espoir » ?
Tant que l’espoir reste présent, l’Homme est capable de passer à travers n’importe quelle tempête ou n’importe quel désert ^^
J’ai lu ce texte avec intérêt, comme toujours, mais pour moi cela ne me dérangerait pas de ne plus parler et la vie séminaire confinée actuelle ne me dérange pas à ce point de vue là. Je n’aime pas parler, surtout de moi,et je me force pour dire aux gens ce qu’ils aiment entendre, pour leur faire plaisir. Et pourtant toute ma vie j’ai du parler puisse j’étais enseignante! Parler en public ça va, j’ai l’habitude, d ans les réunions, s urgent une estrade avec un micro je gère. Mais parler de soi en tête à tête avec un ou une amie, non, et avec de la famille c’est la galère. Comprenne qui pourra. …
En ce qui me concerne, c’est le concept de CNV (Communication Non Violente) qui m’a encouragée à davantage exprimer ce que je ressens, et ça s’est avéré très bénéfique dans mes relations (même si l’autre n’en a pas forcément conscience) L’approche claire et pédagogique de Thomas d’Ansembourg m’a été vraiment utile notamment 😉
Admirative. Empathique et bienveillante.
Et puis, un grand merci…
La bienveillance est ma valeur n°1, elle ne peut être que positive… et attirer le positif ! La garder comme part importante de soi est très sain, alors merci pour ça ❤️ Je suis heureuse que mes mots puissent résonner chez d’autres personnes que seulement moi !
Moi je sais pas comment je suis… Heureuse. Vivante. Épanouie. En pleine réflexion. Ravie d’avoir lu tes mots,une fois de plus, si justes.
Merci pour ton écriture si accessible et agréable à lire… ???
Merci à toi pour ces mots si doux et si encourageants ! L’épanouissement est si essentiel comme ressenti, je ne peux que te souhaiter qu’il dure longtemps longtemps ❤️
Et reconnaissante aussi. Car je sais que chacun n’a pas le bonheur d’être a l’abri et heureux…
#TeamGratitude ?
La communication est ultra importante. L’Homme (avec un grand H bien sûr) , quoi qu’il en dise ne peut pas s’en passer. La situation que nous vivons depuis 1 an aura montré deux choses: que l’on peut communiquer verbalement sans se voir réellement (téléphone – ordinateur – petits mots écris ….etc); MAIS aussi que nous avons besoin de communiquer par d’autres moyens: les yeux – les gestes – la posture; bref le corporel. Ne pas se voir physiquement, ça va un temps mais il ne faut pas que cela dure trop long…temps. Le plus « amusant » de tout ceci est que pour une fois tout le monde est d’accord: jeune / vieux – homme / femme – pauvre / riche – beau / laid – sans distinction de couleur de peau ni de religion / croyance.
J’espère sincèrement que cette catastrophe sanitaire nous aura au moins appris ça.
D’ailleurs pour en revenir à ta période difficile: les yeux avaient beaucoup à « dire »!!!! Malheureusement nous n’avions pas toujours le bon décodeur!