Je me suis rendue compte la semaine dernière qu’il y a un sujet que je n’ai jamais abordé sur le blog (parmi d’autres). En fait j’ai tellement écrit à ce propos dans le livre que j’avais mis ça de côté comme étant bien assez vu. Bien assez vu oui, mais pas ici. Me revoici donc pour parler aujourd’hui de trachéotomie… et de voix.
De trachéotoquoi ?
Quand j’ai eu l’accident de voiture, l’un de mes poumons a été compressé. Je me suis retrouvée dans une incapacité respiratoire particulièrement problématique. C’est donc un tuyau relié à une grosse machine qui s’est retrouvé à faire le boulot de me maintenir en vie à la place de mon propre appareil respiratoire. Il a fallu obliger mon corps peu à peu à regagner son autonomie. Même en ce qui concerne des choses aussi primaires que de respirer.
Parce que non, passer de l’artificiel au naturel ne se résume pas au fait d’enlever le tuyau d’oxygénation et paf, c’est reparti comme en l’an 40. Non. Il faut éteindre l’arrivée de l’air petit à petit, étape par étape. Cinq minutes, dix minutes, une heure, une demi-journée, une nuit, le tout sous surveillance accrue.
Quand enfin les poumons ont repris assez de force pour de nouveau faire leur job correctement, là encore il y a quelques étapes par lesquelles passer pour ne pas risquer d’être mis en danger.
Et voici l’entrée en scène de la fameuse trachéotomie.
Et donc, c’est quoi concrètement ?
Concrètement c’est un morceau de plastique que l’on insère dans un trou fait à la base du cou (acte chirurgical très courant.) Il permet de respirer plus facilement en évitant à l’air de passer par la bouche ou par le nez. Avec ce système, impossible également de faire de fausses routes : pas d’aliments ou de salive qui risque d’aller vers les poumons plutôt que vers l’œsophage. Quand on a oublié comment ça fait de manger de la vraie nourriture et que notre corps est faible au point d’assurer le service minimum, c’est indispensable.
Il arrive que la pose d’une canule (le morceau de plastique en question) soit définitive mais ça n’est pas une majorité des cas. Pour ma part j’en ai d’abord eu une fermée, ce qui signifie que seul l’oxygène passait… pas le son de ma voix.
Or être dans un état aussi critique que celui dans lequel j’étais sans pouvoir communiquer ni en parlant ni en écrivant, c’est difficile. C’est voir les personnes que j’aime s’inquiéter et se poser mille questions sans rien pouvoir y faire. C’est être enfermée dans mes douleurs et mes peurs sans pouvoir les expliquer pour être soulagée. Mais ça sensibilise à une communication différente. L’expression « parler avec les yeux » prend tout son sens.
Cinq semaines plus tard.
Lorsque j’ai eu droit à la canule ouverte, je n’ai pas tout de suite pu m’exprimer. Je la faisais siffler, je jouais avec, et quand finalement j’ai été capable de rassembler assez de souffle pour effectivement sortir des mots voire des phrases, ça n’est pas ma voix que j’entendais. Elle était si faible et déformée qu’elle semblait tout droit sortie d’un vieux jouet ou d’un dessin animé des années quatre-vingt. J’entends encore mon père se moquer gentiment en me comparant à Dark Vador.
Ce passage-ci a duré moins longtemps. C’est arrivée en centre de rééducation que j’ai finalement été débarrassée de ce système gênant, bien qu’indispensable jusqu’alors. Ceci après avoir vérifié maintes fois que j’avalais mes aliments sans problème et que j’avais assez de force dans les poumons pour aller jusqu’au bout du schéma respiratoire.
Ma voix était encore hésitante, pas très nette, elle aussi je dû me la ré-approprier. Et il n’était même pas la peine que j’essaye de chanter, ce que j’aime pourtant faire. Adieu les concerts de salle de bain pour un temps, mes voisins d’alors ne savent pas à quoi ils ont échappé !
Cette cicatrice qui se fait discrète.
Aujourd’hui le trou dans ma gorge a laissé place à une cicatrice que j’ai tendance à oublier. J’ai déjà rencontré des handi qui la maquillent, la cachent par une écharpe ou un foulard et ne sont pas à l’aise avec. Pour ma part, elle n’est pas dans mon champ de vision et je ne remarque pas de regards déplacés sur elle. De ce fait sa présence ne me dérange pas. La trachéotomie a été pour moi non pas un détail, mais plutôt un élément faisant partie d’un tout, d’un package bien plus important. J’ai aussi la chance d’avoir eu un kiné qui me l’a beaucoup manipulée avec l’objectif qu’elle se forme « proprement » (ce qui a été le cas).
Est-ce parce que je ne la considère plus que c’est le cas des personnes qui me font face ? Sûrement. Car si l’on me pose souvent des questions sur mon handicap, dont certaines peu délicates, il est très rare que l’une d’elles porte sur cette tâche claire à ma gorge.
Les conséquences à long terme
Je ne saurais pas faire la différence entre ce qui est dû à la compression de mon poumon et ce qui est dû à la trachéotomie. J’ai dans certaines situations du mal à me faire entendre, je ne tousse ni n’éternue très fort. Je n’aime pas être touchée à l’avant du cou, mais je me demande qui aime ça en réalité. Quant à mon pommeau de douche, il a repris son rôle de micro depuis quelques années déjà, mais j’habite dans un appartement très bien insonorisé. J’ai néanmoins relevé des changements anecdotiques concernant ma voix, comme si j’avais mué une seconde fois. Il y a finalement des notes hautes que je n’arrive plus à atteindre. Mais des notes basses que je suis capable de faire depuis.
Là encore est-ce réellement lié à l’opération ou est-ce des transformations naturelles qui s’opèrent au fil des années qui passent ? Honnêtement je l’ignore, et ça ne me paraît pas crucial de le savoir.
BREF.
J’ai eu une trachéotomie. Ça se vit mal. Mais aujourd’hui c’est derrière moi. Et à y réfléchir, je crois que j’aime bien ma cicatrice. Elle est comme mon tatouage : elle est un symbole de quelque chose de fort, d’une période, d’une épreuve… et d’une victoire !
la trachéo’….oui bien sûr. On l’oublie sur toi ou les personnes « qui ne savent pas » ne la voient pas parce qu’en fait elle ne se remarque pas plus que ça. effectivement le chirurgien d’abord puis le kiné ont fait un beau boulot de discrétion de la « chose ». Et maintenant cela passerait plutôt pour une tache naturelle.
Cela est quelque chose qui m’a toujours fait frémir . Dire que dans les films ont en voit qui pratique cela comme s’il faisait ça tous les jours. Même avec un tube de stylo bille!!!!. Mais évidemment ce sont des films avec des héros.
Je ne pourrais jamais……et pourtant cela sauve des gens de l’étouffement. Et sur des gens que l’on aime? ben ça doit être encore plus dur. Et il faut savoir le faire. Regardez dans internet: ce n’est pas aussi simple que ça.
Elle t’a empêché de parler…..super ça nous faisait des vacances!!!!! oui mais ça c’est quand ce n’est pas grave et surtout que ça ne dure pas trop longtemps. Rapidement effectivement nous avons été conscient que cela nous empêchait de <> . Au début c’était à sens unique; donc pas de com’ et ce n’est pas top. Alors finalement nous avons tous été impatients que tu puisses re-parler. Même simplistement. même en sifflant. aujourd’hui on a oublié cet épisode. Tu t’es rattrapé depuis (!!!) et c’est tant mieux comme ça.
On ne remarque la trachéotomie que lorsqu’on la porte encore malheureusement, et la voix est le handicap le plus invalidant pour moi…
La trachéotomie comme tout acte médical ne se passe pas de la même façon d’une personne à l’autre effectivement. J’ai eu la chance de bien m’en remettre et j’espère de tout cœur qu’avec le temps, votre voix vous revienne un peu plus