Souvent c’est le lundi que je décide du sujet que je vais aborder dans l’article de la semaine. Il était prévu pour cette fois de vous parler des douleurs liées au handicap. Seulement voilà, je me retrouve là derrière mon ordinateur et je suis de bien trop bonne humeur pour partir sur un thème peu joyeux. Or il se trouve que quelqu’un m’a suggéré ce matin de revenir sur les questions que m’ont posé les enfants face au handicap lors de ma dernière conférence. Et comme c’est plus drôle à raconter, je m’exécute (au clavier sans guillotine #BlaguedePapa)
Je vous avais déjà listé un certain nombre de jolies réactions dans le bêtisier de la colo que j’avais animé (retrouvez-le juste ICI). Mais depuis, notamment grâce aux interventions que je peux faire dans les écoles et les collèges, il y en a eu d’autres et c’est avec grand plaisir que je les note. Il est temps que ça serve !
À ces questions existentielles
Parfois, l’intérêt des gamins se porte sur des faits que je ne m’attends pas à entendre soulever. Parce qu’ils sont sincères et qu’ils cherchent vraiment à comprendre. Et parce qu’après tout, quitte à m’avoir sous la main, autant me le demander directement. Comment je fais pour aller sur les toilettes ? Et par extension, sur mon lit aussi ? Combien j’ai de fauteuils (j’ai hésité à répondre 43, pour voir) ? Est-ce que c’est difficile d’avancer avec ? Comment est ma douche ? Est-ce que je vais au cinéma ? Comment je fais pour enfiler mon pantalon ? Est-ce que je mets des robes ? Pourquoi c’est difficile d’être en fauteuil ?…
À ces questions sérieuses
Et puis parfois, le sujet les fait réfléchir, les inquiète même, et ils vont plus loin. C’est dans ces moments là que je dois faire appel à mon sens pédagogique, essayer de rester claire… À grand renfort de comparaisons !
Vendredi dernier, une jeune fille de douze ans m’a avoué que si elle croise une personne en fauteuil, elle ne peut s’empêcher d’avoir de la peine pour elle. Et me voilà à lui expliquer tout en douceur qu’il est possible que cette personne soit en réalité plus heureuse qu’elle. Parce que le fauteuil est un problème qui se voit, d’accord. Mais si c’était son seul problème ? Si à côté de ça sa vie était parfaite ? Et qu’elle croisait ensuite un inconnu qui certes, à l’air d’aller bien, mais qui s’avère être orphelin ? Sans boulot ? Pris de terribles migraines, que sais-je ? Pour lequel de ces deux-là faudrait-il avoir le plus de peine ?
C’est l’éternel débat de ce qui est visible contre ce qui ne l’est pas. Et l’importante nuance qu’est le fait d’être heureux non pas avec un fauteuil, mais malgré un fauteuil. Les réactions de ces enfants face au handicap nous font réfléchir et grandir aussi.
À ces questions fun qu’on pose à la grande sœur
Bien sûr, avec ce dont je leur parle de voyages, de sports, de rencontres, certaines précisions ont besoin d’être évoquées. C’est avec des étoiles plein les yeux qu’ils enchaînent les questions pour en apprendre plus sur moi, fauteuil… ou pas fauteuil ! C’est quoi mon sport préféré ? Comment je fais pour prendre l’avion ? Je suis allée où comme pays ? Comment j’ai fait pour monter sur un cheval ? Est-ce que j’ai un amoureux ? Comment s’appelle mon chat ? Est-ce que j’ai déjà pris le bateau ? Est-ce que je peux jouer aux jeux vidéo ?
À ces questions qui me font rire
Enfin, à chacune de mes conférences mettant des enfants face au handicap, il y a toujours au moins une question… particulière. Celle de vendredi ? « Quand on ampute quelqu’un, qu’est-ce qu’ils font des morceaux ? »
(Pour ceux intéressés par la réponse, sachez que les « petits bouts » vont à la poubelle médicale jaune, alors que les plus encombrants sont incinérés. Voilà voilà.) L’année passée j’en avais eu une pas mal également : « Est-ce que vous avez fait du judo ou de la danse pour savoir comment tomber ? ». J’avoue que celle-ci m’avait laissée sans voix (est-ce possible ?). Alors qu’elle n’était pas si dénuée de sens que cela en réalité…
À ce qu’ils ont l’occasion de partager
Je suis toujours étonnée de voir des mains se lever pour me raconter que « mon grand-père est dans un fauteuil », « ma maman a une maladie », « moi j’ai un handicap », « ma cousine est née avec un bras qui ne grandi pas », « mon meilleur copain a un frère qui fait des crises de panique »… Ils semblent contents de pouvoir partager ce dont ils n’ont souvent pas l’habitude de parler. Je ressens même un soulagement de la part de certains que cette « anomalie » qu’ils côtoient, peut faire partie d’un tout et qu’ils ont le droit d’en discuter librement sans peur d’être jugés. Et par ces échanges, que ce soit eux ou que ce soit moi, forcés de constater que le handicap fait partie de la vie de la plupart des gens, de loin ou de près, et qu’il est donc absurde de continuer à l’ignorer sciemment.
Et je finirai cet article sur une anecdote d’une 6ème. Elle prouve à quel point la logique des adultes est parfois aberrante. Les enfants devraient dominer le monde ! « Dans mon ancienne école il y avait une fille en fauteuil. On la portait tous les matins dans les escaliers parce que notre classe était au deuxième étage. Pourtant il y en avait une autre au rez-de-chaussée mais c’était pour les maternelles. Ça aurait été plus facile de juste échanger les salles… »
Très bonne moralité, super discoure. Je penses que bien des adultes sont cause de bien des discriminations, responsable de ce qu’ils mettent dans la tête des enfants, des jeunes. Ce n’est pas parce que l’on ne connait pas l’handicap, que l’on doit mépriser de leur handicap, les personnes qui en sont porteuses et qu’elles n’ont aucunement choisi. Mépriser des personnes handicapées, ou étant en situation d’handicap, juste parce que l’on en à peur, peur de possiblement se retrouver dans cette position, complètement stupide. Discriminer, peut être aussi, gratuitement, à savoir, n’est ce pas maladif, une sorte d’handicap mentalement parlant ? Que pourrait on en dire, en penser des dits « Normaux », qui en fait, en bien des côtés, présentent des faiblesses, des travers de comportements, alors que des handicapés, semblent être plus tolérants, plus sensés, plus moralement humaines ? Bien à en dire de ces « Normaux », tellement différant.
La méchanceté gratuite n’est malheureusement un handicap que pour les personnes qui la subissent. Cependant je ne souhaite pas être catégorisée, je ne catégoriserai donc pas autrui. Il y a des personnes malveillantes partout, il n’y a pas de règles. J’ai déjà rencontré des personnes en situation de handicap pas plus humaines que les « valides » qui les dévalorisent. La normalité n’existe pas.