Nous avons tous des peurs. Plus ou moins grandes, plus ou moins matérielles, plus ou moins explicables. Allant de l’animal (les araignées, les requins, les insectes…) au médical (aiguilles, sang, maladie…) en passant par la nature (le feu, l’orage, le vide…) ou encore l’activité humaine (l’avion, les ascenseurs, les clowns, la foule…), les peurs sont aussi nombreuses que variées. Et lorsqu’elles sont en corrélation avec des traumatismes, lointains ou proches, les voilà qui s’immiscent de façon plus sournoise dans nos esprits : peur de décevoir, peur de l’abandon, peur de perdre, peur du rejet, peur du temps qui passe, peur d’oublier…
Et pourquoi je parle de ça aujourd’hui ? Y aurait-il sur ce sujet là aussi des différences liées au handicap ? Pas tout à fait. Mais un peu quand même.
Relativiser le plus grave
Je ne sais pas pour les autres mais en ce qui me concerne, avoir eu un accident de voiture, avoir frôlé la mort (je le dis rarement mais ça met de l’ambiance) et avoir surmonté ce que j’ai vécu à l’hôpital, étrangement ça m’a fait appréhender certaines choses autrement. L’araignée a perdu toute crédibilité dans son rôle de présence nocturne inquiétante, et le saut en parapente (pour me retrouver au-dessus du vide) m’est soudain apparu plus amusant.
Est-ce qu’en vivant des choses difficiles on se mettrait à ne plus avoir peur de rien ? Ce serait un raccourci certainement trop facile à faire. Peut-être qu’effectivement après avoir été marqués par un épisode grave, certaines de nos peurs irrationnelles s’éteignent, comme rendues ridicules. Malheureusement, c’est souvent pour laisser la place à de nouvelles…
Ces angoisses liées au fauteuil
Je prends conscience au fil des années que certaines inquiétudes se sont invitées dans mon esprit, qui n’auraient pas eu lieu d’être si j’étais aujourd’hui en situation dite « valide ».
Par exemple, la peur de tomber. Tomber en temps normal, d’accord ça ne fait pas plaisir. On en prend pour son grade si on est avec les copains et la fierté se froisse légèrement, cachée derrière un rire gêné. Mais en fauteuil, sachant que je suis dans l’incapacité de me relever seule, tomber me met dans un contexte parfois difficile à accepter. Ma fierté plus que froissée, se retrouve blessée face à cette faiblesse contre laquelle je ne peux rien. Alors quand c’est chez moi encore ça va. Je me fait aider par des personnes en qui j’ai confiance, qui me connaissent. Elles ne regarderons pas la situation avec pitié ou effroi. Mais les rares fois où ça m’est arrivé à l’extérieur et que j’ai dû accepter de me faire porter (donc toucher) par des inconnus, ça a été plus compliqué à digérer. Alors oui, maintenant cette idée me stresse. Je sais que psychologiquement c’est quelque chose qui me renvoie un mal-être qui ne m’est pourtant pas caractéristique.
Et puis la peur de vieillir. Celle-ci je l’ai toujours eue à vrai dire, mais elle prend davantage de place depuis que j’ai conscience de ce à quoi ça pourrait ressembler avec un handicap, avec un fauteuil. La pensée de replonger dans une dépendance qui s’imposera plus rapidement, certainement plus tôt, me terrifie. Vraiment. J’ai appris à ne plus y penser, à la mettre de côté – c’est tellement loin ! – mais par moments, elle refait de brèves apparitions dans ma tête et je la trouve laide.
Avoir peur à cause d’un traumatisme
En revanche ce qui n’est pas tellement différent entre toi et moi, handicap ou non, c’est que nous avons tous des peurs liées à nos histoires respectives.
Alors oui, avoir été attachée à un lit d’hôpital paralysée de la moitié de mon corps a entraîné en moi une peur d’être bloquée dans une situation contre laquelle je ne peux rien faire. Mais une femme battue développera une peur pour l’homme cisgenre peut-être. Un ado qui est tombé de moto aura peur de reconduire un deux-roues. Une nana dont la mère aura connu un cancer aura la profonde inquiétude d’en vivre un à son tour. Un gars qui sera allé faire la guerre reviendra avec des cauchemars persistants…
Les angoisses résultats d’événements forts ne sont absolument pas inhérentes au handicap, loin de là !
Il n’y a aucune honte à avoir peur. Quelle qu’elle puisse être, et quelle qu’en soit la cause si cause il y a. Mes peurs ne sont pas plus justifiées sous prétexte qu’elles ont une « explication valable » non. C’est humain d’avoir peur. Et tant pis si cette peur se matérialise face à un serpent de dessin-animé ou face à la Lune (si tu as peur de la Lune alors que tu n’es pas un loup garou, on appelle ça la sélénophobie.)
Le petit mot de la fin ?
Nos peurs sont notre histoire, elles nous forgent. Elles font ce que nous sommes comme tous ces millions de traits qui nous distinguent les uns des autres. Depuis mon accident je n’ai plus peur d’une mort « subite » mais j’ai peur de vieillir en fauteuil. J’appréhende le fait de tomber. Quant à me retrouver coincée sans la possibilité de m’en sortir seule, ça me rend folle. Bon. C’est vivable. Et toi, de quoi as-tu peur ? Si même après m’avoir lue tu te trouves bizarre à cause de tes angoisses, va faire un tour JUSTE ICI. Tu verras que tu trouveras si ce n’est pire, au moins aussi surprenant que toi (tu ne seras jamais seul.e.) ?
avoir peur pour les autres et ses enfants en particulier …..horrible. Surtout pour ses enfants. D’autant plus lorsqu’on ne peut rien faire.
Et dans ces cas là, l’imagination est sans fin pour exagérer une situation pouvant être « normale » ou considérée comme telle.