Phase d'acceptation du handicap

Du refus à l’acceptation de son handicap, une phase après l’autre.

 

Avoir un accident qui nous fait entrer dans le monde difficile et si particulier du handicap, c’est se retrouver dans un flou artistique quant à l’avenir, quoi qu’on nous en dise. Mais au fait, qu’est-ce qu’on nous en dit ? Assez vite, un psychologue, un médecin ou une infirmière va se charger d’aborder le sujet des phases avec vous (tirent-ils à la courte paille pour savoir qui s’y colle ?).

 

Ces phases, ce sont des étapes par lesquelles un accidenté va passer avant de pouvoir accepter la situation de handicap. Cette situation devenue la sienne de façon brutale. Évidemment ce sont des généralités, tout le monde ne va pas les passer ni dans le même ordre (pas mal de sites les présentent d’ailleurs différemment), ni au même rythme… ni toutes parfois ! Je vais donc vous parler aujourd’hui de la façon dont ça s’est passé pour moi, par rapport à ce dont on m’avait prévenue.

 

 

Apprivoiser son handicap
Finalement le handicap s’apprivoise aussi – Le Petit Prince

 

 

Première phase – Le déni.

 

Dans un premier temps, et je pense que c’est quasi universel, le refus de croire ou de prendre conscience de ce qui arrive. Ça n’est pas toujours un refus choisi, c’est parfois juste un manque de connaissances, voire une naïveté toute simple qui prend le pas. C’est ce qu’il s’est passé en ce qui me concerne. Naïvement, je m’imaginais que ce n’était pas aussi grave que ça paraissait, j’avais confiance dans le déroulement des choses et étais persuadée que oui, j’allais bien souffrir quelques semaines mais qu’ensuite ce serait fini. Pas de quoi s’affoler. Je croyais dur comme fer, sans l’ombre même d’un doute, que l’état dans lequel j’étais n’était qu’éphémère. Après tout ça n’était pas tout à fait faux. Mais pour autant pas tout à fait juste non plus. D’où le passage à la prochaine phase…

 

 

Deuxième phase – La négociation.

 

La morphine et autres médicaments qui nous assomment d’un côté, la naïveté de l’autre, c’est bien pratique mais ça ne dure pas. Et c’est alors que l’on passe à cette étape de dissociation :

 

Sur l’épaule gauche votre part sombre… « On aurait crevé dans l’accident ça aurait été plus facile ! À quoi ça rime de se retrouver entre deux comme ça ? Vivant mais emprisonné dans son propre corps ? On n’a plus d’avenir comme ça ! »

 

… Sur la droite votre part optimiste. « Mmh moi je trouve que ça n’est pas si catastrophique… On s’améliore chaque jour, on n’est pas seul, on devrait réussir à s’en sortir tu ne crois pas ? La vie c’est cool, et si elle est capable du pire, elle est aussi capable du meilleur c’est certain ! »

 

 

Kronk et ses consciences
Kronk et ses consciences, film Disney Kuzco

 

 

Cette phase là est un peu pénible car elle vous met en mode yo-yo et c’est tout sauf confortable, pour vous comme pour vos proches. Un coup vous projetez de sauver le monde, un coup vous n’avez qu’une envie c’est de vous rouler en boule dans votre lit, bien caché au chaud sous la couette, avec le téléphone coupé et votre chat dans les bras (quand il est conciliant). Heureusement pour moi, vous devinez quelle part a le plus souvent pris l’avantage. Aujourd’hui les pensées obscures ne manquent jamais de s’immiscer dans mon esprit lors de moments de faiblesse, provoquant un nouveau duel intérieur, mais le chemin parcouru ne leur donne pas crédibilité bien longtemps.

 

 

Troisième phase – La dépression.

 

Je ne vais pas vous donner la définition du mot dépression n’est-ce pas ? Je n’ai pas l’impression au fil de mon évolution en tant qu’handi, de l’avoir réellement connue. À la place, j’ai eu ce que j’appelle « une phase d’hyperactivité » qui justement m’empêchait de sombrer. En enchaînant les défis, les voyages, les expériences, je compensais. J’allais parfois jusqu’à me donner l’impression de brasser du vent sans but précis, ou du moins sans but solide. Pas évident à gérer pour garder de l’estime pour ce que l’on fait. Sans être tout à fait certaine, je dirais que cette phase a duré 4 ans et s’est calmée alors que la prochaine avait déjà commencé depuis quelques temps, la pire…

 

 

Quatrième phase – La colère

 

Le terrible Pourquoi ? L’injustice, la traîtrise de ce corps qui n’a pas suivi la tête, la rancœur, l’incompréhension. Je n’ai jamais été une enfant colérique, c’était une émotion que je ne ressentais à quelques exceptions prêt jamais. J’étais plutôt du genre à intérioriser ce qui n’allait pas. Sauf que cette colère-là, elle monte, elle gronde, elle est gigantesque et elle est lourde, elle prend de la place jusqu’à déborder de partout. Plus de patience, moins de compassion, d’amour et de bienveillance envers soi-même. Lorsque j’ai compris que j’étais dedans, j’ai eu peur. Peur de ne pas en sortir, peur qu’elle dure des années et des années. Car je me sentais incapable de pardonner. Pardonner cette « faute à pas de chance » qui m’infligeait tout ça, pardonner à ces jambes qui ne sont pas ce que je veux qu’elles soient, me pardonner à moi de ne pas être invincible comme naïvement je pensais l’être à l’aube de mes vingt ans. Finalement, elle a duré deux ans, ce qui est déjà bien assez. Et alors que j’en sors à peine, je crains qu’elle me reprenne si je n’y prends pas garde. Même si je considère atteindre enfin la dernière phase.

 

 

Phase d'acceptation, la liberté
Prairie, série The O.A

 

 

La cinquième (et dernière) phase – L’acceptation.

 

J’ai longtemps détesté ce terme « accepter ». J’étais incapable de dissocier l’acceptation de l’abandon. Abandonner le combat, abandonner de vouloir un jour remarcher. Ce mot ne valait alors à mon sens rien d’autre que l’expression « Se reposer sur ses lauriers » et, bornée comme je suis, je refusais de correspondre à cette image.

 

Et puis je suis partie au Brésil une deuxième fois. M’isoler, me couper du monde et m’offrir un voyage entre moi et moi a été la meilleure pause que je me suis accordée cette année. Ça ne m’a pas empêchée d’y aller avec une amie, nous avions chacune notre chemin à parcourir. C’est tout de même elle qui m’a fait pousser mes réflexions toujours plus loin et c’est ainsi que j’ai finalement compris et intégré ce qui suit. « Accepter » n’est pas se dire que ce que je suis à ce jour est définitif. « Accepter » veut simplement dire que je suis en accord avec ce qui m’est arrivé (grâce à tout ce que ça m’a apporté malgré ce que ça m’a enlevé) et avec ce que je suis, mais au jour le jour.

 

J’ai depuis très longtemps dit que je ne veux pas retourner en arrière, que si je remarche, je veux que ce soit en ayant vécu tout ce que j’ai vécu suite à cet accident. Pourtant c’est finalement la première fois depuis bientôt sept ans que je me sens en paix avec le fauteuil vraiment. Parce que c’est en l’étant que je me laisse la liberté d’esprit d’évoluer aussi. La colère ou la frustration, ça n’a pour conséquence que de nous faire tourner en rond.

 

 

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10 commentaires sur “Du refus à l’acceptation de son handicap, une phase après l’autre.

  1. Quel beau parcours! Daphné tu es un exemple pour les personnes valides, comme moi, au d’autres, qui se plaignent de n’être pas en possession de tous leurs moyens , . Il faut transformer comme toi le négatif en positif, et se dire que tout est expérience, tout est apport. Respect, et affection pour cette magnifique jeune femme que je n’ai pu rencontrer lors de la séance de dédicaces étant malade. Cela ne va toujours pas mieux, bronchite tenace maintenant, mais un jour j’espère que nous pourrons nous rencontrer, St Doulchard n’est pas si loin d
    e Bourges Nord où j’habite…

  2. Magnifique article. Je suis vraiment heureuse de savoir ton chemin. Ça fait longtemps que l’on ne sait pas vu, que l’on n’a pas parlé de tout ça. Et je crois que l’une et l’autre on a beaucoup avancé sur notre chemin.
    ❤️❤️

  3. L’acceptation comme un pardon à soi – même et aux accidents de la vie (accidents ou maladie sévère ). Quel magnifique parcours et qu’elle évolution vers la sérénité.
    Merci!

  4. Merci pour cet article. C’est un sujet qui m’a toujours intéressé et c’est toujours enrichissant de lire les pensées d’un autre handi sur son parcours d’acceptation (quel que soit l’origine du handicap).

    1. Chaque chemin vers cet état d’esprit serein est différent, mais chacun est éprouvant ! Comme tu dis, il est intéressant de voir celui des uns et des autres, je suis ravie d’avoir enfin pu partager le mien 🙂

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